ANGERS : UNE TRACTION AVANT A EXPLOSIONS OFFENSIVES

Le S.C.O. d'Angers conserve ses traditions constructives. Pas un des 5 000 spectateurs qui assistèrent à St-Ouen à sa sortie victorieuse contre le Red Star (4-3) pour la journée inaugurale du Championnat, ne nous démentira. Le flirt avec le béton esquissé l'an passé lors de quelques matches de Coupe, est heureusement terminé. Pour toujours ?

Deloffre, Chlosta, Stievenart ont quitté les rangs angevins ; le premier pour replacer l'O.G.C. Nice parmi l'élite, le second pour regagner au sein de l'A.S. Nancy, la Lorraine dont il est originaire, le troisième jouera cette saison, à trente-deux ans, parmi les amateurs.

Puisque c'est la mode, l'effectif a été rajeuni par les signatures du demi-centre Roger Fievet (25 ans) issu du défunt Chaumont et l'attaquant Rigaud (22 ans) transfuge de l'Olympique Avignonnais, tandis que le Rouennais Poulain (28 ans) a été recruté à un poste où brillait pourtant de mille feux le... jeune Perreau.

Le fonds de jeu du S.C.O. a résisté à ces tempêtes. Certes, le départ d'un technicien aussi lucide que Deloffre sera forcément ressenti ; certes, le jeu de tête et le placement de Chlosta feront défaut à une défense justement un peu courte de ce point de vue ; mais après tout l'excellent R. Fievet, qui parait plus mobile et prompt à se retourner que son prédécesseur, peut fort bien le faire oublier. Rigaud est très doué et quand on dispose dans une équipe de deux moteurs aussi efficaces que Poli et Dubaele, d'un virtuose comme Dogliani et d'un véloce blondinet comme Margottin, on peut déjà regarder l'avenir avec confiance.

Sans exagération cependant. La défense angevine a laissé à St-Ouen un sentiment d'insécurité qui ressemble comme un frère à celui qu'on éprouvait l'an passé à son sujet et qui n'a à voir ni avec la valeur (éprouvée) des éléments qui la composent, ni avec les changements intervenus a l'intersaison. N'utilisant pas le hors-jeu, cette défense est disposée en échelle, et bien des ballons dangereux passent par ses mailles filées. D'où hésitations, fébrilité, fautes de technique individuelle, relance parfois défectueuse...

FRIABLE

De ce point de vue, les dirigeants angevins seraient bien avisés de placer derrière ce quatuor en anarchie un gardien confirmé comme Gallina (actuellement en désaccord financier) plutôt que le prometteur mais inexpérimenté Gouraud.

La responsabilité de ce garçon, qui réalisa une partie éblouissante il y a quatre mois en demi-finale de Coupe contre 40 011 marseillais déchaînés, parut engagée légèrement sur le premier but audonien, car la tête de Milosevic n'avait rien d'irrésistible, et complètement sur le troisième où le tir de Herbet était de la catégorie de ceux dont les footballeurs gratifient ordinairement les bonnes sœurs ; mais comment cet amateur de vingt-trois ans n'aurait-il pas été impressionné par le fait que sur les actions qui amenèrent cette tête et ce tir, ses chevronnés coéquipiers Mouilleron et Poulain effectuèrent l'un une passe à... Ahache qui centra derechef sur Milosevic et l'autre un contrôle orienté... sur Herbet.

Quant au second but, il fut la résultante conjointe d'un recul précipité des arrières angevins et d'une erreur d'arbitrage. Milosevic aurait été hors-jeu de vingt mètres si Mouilleron n'avait fait la course avec lui sur une longue balle de Farias. Mouilleron courant plus vite arriva plus tôt ce que voyant le Yougoslave lui passa un croc-en-jambe qui provoqua la chute et une main de Mouilleron. M. Petit ne subissait pas son examen en cette occasion et siffla la deuxième faute. Ceci se passait aux seize mètres et Farias, qui sort du stage des entraîneurs, où il a dû tirer des milliers de coups francs, brossa le sien hors de portée de Gouraud.

TALENTUEUX

Au bout d'une heure de jeu, le S.C.O. était mené 3-2, malgré une indiscutable supériorité foncière. La qualité des offensives angevines, qui avait déjà valu deux buts de choix et de nombreuses occasions, allait permettre un ultime renversement de situation. Et puisque nous avons décortiqué le pain noir des fautes angevines en défense, ne soyons pas moins minutieux pour déguster la brioche des tentatives de but des amis de Dogliani.

10e minute : Guillou donne à poli, tout seul, tir à côté.

15e minute : 1er but. C'est le déclic. Jusqu'alors, on a beaucoup contrôlé, tergiversé chez les Angevins. D'un seul coup, sur la ligne médiane et côté droit Bourdel, Dubaele, Margottin, Poli combinent à grande vitesse et escamotent trois opposants. Poli dernier possesseur du ballon donne latéralement à Guillou qui lui remet aux seize mètres, le tir de Poli heurte la cuisse de Baton et est faiblement repoussé. Dubaele surgit et ouvre le score avec la complicité du poteau.

20e minute : Relais de balle Margottin-Dubaele-Fievet. Face au gardien, l'arrière-central pêche par timidité et Laudu enraye le danger.

35e minute : Double une-deux Dubaele-Margottin, ce dernier laisse à Poli qui s'infiltre, est rudement bloqué par Baton et Monnin, mais le ballon roule aux seize mètres à portée du soulier gauche de Dogliani. Ça pardonne rarement, but.

38e minute : Dogliani, démarqué par une ouverture de Bourdel rate son lob puis la minute suivante, après une succession de passes. « saute à la corde » devant Monnin revenu en trombe. Comme on le comprend !

43e minute : Margottin déborde sans coup férir mais son centre en retrait est mollement repris de la tête par Roy qui n'obtient qu'un corner.

52e minute : Roy arrache le ballon à son ex-coéquipier Herbet, se rabat, feinte Monnin mais en bout de course tire sur Laudu.

60e minute : Roy est fauché au seize mètres. Dogliani brosse son ballon mieux qu'avec la main. Un poil au-dessus de l'angle supérieur droit.

61e minute : Margottin lobe Bacquet et, seul, tire à côté.

63e minute : Guillou, Margottin qui glisse à Dubaele aux 16 mètres, une pichenette pour Roy en pleine course et beau tir hors de portée de Laudu.

64e minute : Margottin prend le meilleur sur Bacquet et centre en retrait sur Dogliani dont le tir meurtrier frise la cage.

70e minute : Une-deux Margottin-Poli. Ce dernier manque son centre en retrait.

71e minute : Tir fulgurant de Dogliani des vingt mètres. Laudu battu, le ballon frôle le poteau droit.

74e minute : L'inévitable Poli est fauché aux seize mètres après une feinte et une volte-face ultra rapides. Dubaele tire le coup-franc sur la tête de son capitaine Bourdel auquel échoit le plaisir du but victorieux.

En fin de match, Margottin qui partait seul fui stoppé deux fois pour des hors-jeux douteux.

Si l'on compte bien, ce sont treize occasions de but nettes, dont quatre transformées, que se sont octroyées les Angevins.

HUMAIN

Faisons la part du jeu. On a déjà vu des défenses plus hermétiques que celle du Red Star en cette douce soirée d'Août. Mais convenons qu'un tel résultat implique un potentiel offensif comme on en voit peu chez des garçons qui n'ont pas marqué plus de 100 buts l'an passé sans en retirer une légitime confiance en leurs moyens.

L'utilisation fréquente du une-deux, la recherche systématique du centre en retrait (Margottin), le désir permanent d'appuyer le partenaire, de ne pas l'envoyer « au charbon », sont autant de caractéristiques de ce club pour un jeu intelligent et humain.

Dubaele en est la plus parfaite illustration. Cavaleur de grande dimension, tacleur émérite, passeur précis, toujours en appui et buteur honorable, ce joueur accomplit une tâche écrasante dont les analphabètes du football ont si peu l'idée qu'il passe aux yeux de certains dirigeants pour un joueur moyen. Si moyen il y a chez lui, c'est le moyen... terme de toutes les entreprises angevines.

Son entente avec Poli est une merveille du genre. Très attiré par le but adverse, le brun Alberto est en réalité beaucoup plus attaquant que demi mais ca ne prête pas à conséquence fâcheuse car derrière Dubaele « fait le ménage », ce qui ne l'empêche pas de venir en « planter » un de temps à autre, ou de ramener à hauteur de ses arrières un calme bien compromis.

Il est possible que le départ de Deloffre, à la personnalité affirmée, facilite l'expression complète de Poli. Cet attaquant-né, qui a besoin de partir de quarante mètres environ, au dribble sec, à l'équilibre constant, fait preuve dans les seize mètres d'un sang-froid qui ne trompe pas. Heureusement pour lui, il est Italien : il ne connaîtra pas la déception... de n'être pas parmi les 22. Cette catégorie de footballeurs ne plait pas au sieur Boulogne : évolutions trop faciles, pas assez de larmes ni de sang.

Dogliani, quant à lui en a pris son parti. Mais tous les amoureux de Football lui disent merci, mince silhouette éclaboussante de classe.

Mais votre défense, monsieur Hon, votre défense, vertubleu !

Jean NORVAL


Poli, un avant de pointe classique ? Non, mais un joueur du milieu très offensif qui sait surgir en première ligne avec une décision et une soudaineté extraordinaires. Ahache et Gomez semblent figés par la surprise. Tandis que Dubaele l'homme à tout faire du S.C.O. qui a lancé Poli, semble prêt à s'opposer au danger d'une éventuelle contre-attaque.


Interception par Mouilleron d'une balle en profondeur destinée à Milosevic (à g.) le centre-avant Yougoslave du Red Star.

Merci à Miroir du Football de septembre 1969 pour l'article et à cris72 pour les scans.