La première revanche de Mignot
De notre envoyé spécial Christian VELLA
ANGERS. — Une équipe qui jouait à cloche-pied. Une bande de joueurs qui se faisaient tirer l'oreille et qui tiraient la jambe. Des possibilités et pas d'ambition. Des espoirs toujours déçus. C'était l'Olympique Lyonnais l'an dernier pendant la première moitié du Championnat. Il devenait urgent d'agir. La situation se détériorait. On demandait une tête. Comme toujours, c'est celle de l'entraîneur qui est tombée. Mignot a été sacrifié. Aimé-le-fidèle a été remercié. Il s'en remet à peine.
« Vous êtes gentil quand vous parlez de remerciement. Cela ne s'est pas du tout passé comme ça. On m'a chassé comme un malpropre. J'ai payé pour tout le monde, pour toutes les erreurs commises avant mon arrivée et celles qui l'ont été pendant mon passage. On ne m'a jamais donné de franche explication. On n'a trouvé que des prétextes... »
De l'amertume, une certaine rancœur. Aimé Mignot a vécu pendant des mois avec ce mal au fond de lui. Il ne comprenait pas certaines dérobades. Il avait fait face, lui, jusqu'au bout à ses responsabilités. Et pour finir, il ne récoltait que des trahisons. Il attendrait son heure. Elle viendrait sûrement.
Des contacts avec le SCO d'Angers qui retrouvait la Première Division le remettaient sur les rails de ses ambitions. Il retrouvait à la fois un emploi et la possibilité de faire mentir ses détracteurs lyonnais, de les confondre. L'heure de la revanche sonnait-elle enfin ?
« Revanche, c'est beaucoup dire, répond Aimé Mignot. J'ai dépassé ce stade. Mais ce que je désire le plus avec cette équipe d'Angers, c'est de réussir quelque chose de valable pour prouver que les raisons invoquées à Lyon pour me mettre à la porte étaient ridicules et sans fondement. »
Premier match contre Nancy. Une victoire (3-1) dans un style agréable et riche de promesses. Mais c'était l'ouverture du Championnat. La période des tâtonnements et des hésitations, celle où l'on cherche la réussite et où on ne trouve finalement que des voies de garage. Bien des promesses des premiers matches se sont dissoutes dans les longueurs du Championnat. A Angers, Aimé Mignot a-t-il les moyens de ses ambitions ?
« Après mon échec lyonnais, les dirigeants du SCO d'Angers m'ont témoigné une grande confiance. C'est une confiance que je dois leur rendre. Et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour ne pas les décevoir. Pour cela, il est indispensable de ne pas rater son retour en Division I. Le démarrage de la saison est capital. Tous les points pris au début ne sont plus à prendre, et ils ont l'avantage de mettre tout le monde en confiance. En revanche, rater ses premières rencontres c'est se mettre en position de faiblesse dans le bas du tableau d'où il est très difficile de se dégager.
Le successeur de Berdoll
Nous avons réussi notre entrée contre Nancy. C'est bien, mais ce n'est pas tout. Il faut continuer comme cela. Nous avons un peu souffert en début de match et il faudra vite remédier à cela. Ensuite, tout s'est déroulé de façon idéale. Les garçons ont très bien joué devant une équipe très difficile et je suis particulièrement satisfait du résultat. »
Un résultat (3-1), assuré en grande partie par le jeune (22 ans) André Barthélémy qui marqua deux jolis buts et fut sans cesse à la pointe du combat. Marc Berdoll parti sous les cieux de la Bundesliga, Angers lui a peut-être trouvé là un successeur. En tout cas, le nouvel attaquant angevin n'a peur de rien.
De taille moyenne, il est solidement planté sur le sol et il a un souffle inépuisable. Sans arrêt en mouvement, il pèse sur la défense adverse comme un aiguillon sur l'échine d'un bœuf. Et c'est assez exceptionnel pour un joueur qui n'a connu jusqu'ici que la Division d'Honneur. Cette réussite, c'est aussi celle d'Aimé Mignot, car c'est lui qui a fait venir ce jeune avant centre à Angers.
« Pierre Boulle, son entraîneur à Montélimar, qui l'appréciait beaucoup, m'en avait dit du bien. Puis je l'ai eu pendant huit jours dans un stage à Voiron pour former de jeunes moniteurs de football. J'ai très vite décelé de grosses qualités d'attaquant et je lui ai demandé de venir faire un essai à Angers. Après quelques jours ici, les dirigeants du SCO m'ont dit : « Celui-là, il ne faut pas le laisser partir. » Et ils ont eu raison.
Vous avez vu comme il travaille, c'est ce qui est important. Il bouge sans arrêt. C'est un avant centre qui remue. D'ailleurs les deux buts qu'il a marqués ont été obtenus en mouvement. »
Sur ce que nous avons vu contre Nancy, que peut donc espérer le SCO d'Angers cette saison ?
Sans toutefois prédire qu'il jouera les premiers rôles, on peut considérer qu'il tiendra une place importante dans le Championnat de Première Division.
La défense doit encore gagner en stabilité. Le jeune Baudry, couvreur aux qualités indéniables, devra progresser, mais il a tout pour réussir. Le grand Brulez, aux possibilités physiques énormes, se laisse parfois gagner par son tempérament et commet quelques erreurs dues à une trop grande impulsivité. C'est toutefois un stoppeur de valeur qui n'a pas fini de progresser.
Lorsque ces deux éléments de la défense centrale auront atteint leur plein rendement, le SCO pourra compter une assise défensive en rapport avec son potentiel offensif.
Sa grande force est constituée par un milieu de terrain riche en individualités de valeur. Dans un rôle de demi défensif, Ferri dont l'abattage est énorme doit complètement éclater cette saison ; c'est un élément d'avenir, un des espoirs français à ce poste. Il trouve à ses côtés un travailleur inlassable en la personne de Michel Cassan, excellent technicien qui assure la liaison avec la ligne d'attaque.
Quant à Edwige et Bernard Lech qu'il est inutile de présenter, ils sont les animateurs de cette équipe. Ceux qui pensent le jeu et l'orientent selon des principes que nous nous plaisons ici à souligner. Ils sont les pourvoyeurs des deux attaquants de pointe Barthélémy et Augustin. Le premier dans une position centrale, mais qui n'hésite pas à se déplacer sur tout le front de l'attaque et le second véritable ailier gauche de débordement aux tirs redoutables.
Peut-être manque-t-il à cette formation angevine un attaquant sur son aile droite, mais Edwige et Barthélémy occupent très souvent cette position de manière à ne pas laisser de répit à la défense adverse.
Comme on peut le voir, Angers a tout pour réussir, dans un style de jeu particulièrement agréable, devenu tradition depuis que les Dogliani, Deloffre et plus récemment Guillou l'ont marqué de toute leur personnalité.
Article L'EQUIPE. Scan de cris72.