Angers, le sale air de la peur
Leader pendant dix-huit journées, le SCO n'a pas su gérer ses acquis et a craqué sur la fin. Manque de maturité et blocage psychologique. Conséquences : un fonds de jeu évanoui et une expression paralysée. Angers s'est mis hors jeu tout seul.
LE reflet d'une demi-saison. L'illustration aussi d'une inefficacité qui tourne au chronique à domicile. Le SCO d'Angers n'a pas su devant la lanterne rouge Sedan disputer crânement son brin d'espoir de monter directement en D I. Ni se donner les moyens de sa pêche au miracle. Comme le reflet d'une demi-saison qui a tourné au mauvais rêve. Aucune victoire à domicile en 1992. Comme bloqué par l'enjeu ! Et pourtant, à la trêve, ils avaient tous les atouts en main. Un avantage confortable sur Valenciennes, une expression collective généreuse et offensive doublée d'une vraie régularité lancée dans une spirale positive. Tout réussissait à Angers et Angers réussissait tout. La chance en plus. Époque où Angers sortait de sa douceur. Où Angers croyait, discrètement mais sûrement, à cette montée espérée depuis onze saisons.
Et puis après la trêve la mécanique s'est grippée. Le pécule a fondu. Angers a douté, s'est paralysé, s'est recroquevillé dans un foot frileux, prudent, attentiste qui correspond ni à son esprit ni à ses individualités. Tenaillé par la peur, avec un costume de leader trop ample pour une formation immature qui a souffert d'une absence de vécu à ce niveau, d'un manque de leaders sur le terrain, d'un effectif restreint, d'une déficience dans la finition à domicile. Autant de raisons qui s'entrecroisent et qui ont mis le SCO hors jeu pour l'accession directe.
L'absence d'un vécu est évidente. « V.A. le possédait car le club depuis plusieurs saisons est un habitué des barrages », dixit Aubry. A Angers, Daury, Rabouan, Viaud, par exemple, en sont à leur deuxième saison en D II. Discolle à sa première. Péché de jeunesse selon Gauthier : « Certaines fois, on s'est enflammé et l'on a pas su se calmer, protéger un point quand nous n'étions pas bien ». Ce manque de calcul peut s'expliquer par l'absence de leaders véritables. Des éléments comme Zago, Stéfanini, Guion ou Cabanel n'ont pas pesé comme des leaders naturels, question de tempérament. Viaud aurait pu l'être mais il fut perturbé par une blessure.
Pis encore, le SCO n'a plus gagné à Jean-Bouin depuis quatre mois, sa défense à domicile se place au dixième rang du groupe. « Chez nous, sous la pression, on veut gagner mais on essaie de le faire au détriment de l'équilibre de l'équipe. On paie un peu le tempérament offensif et encore mal cadré du groupe » avoue Hervé Gauthier qui a dû en plus subir les blessures et les baisses de régime problématiques à cause d'un effectif restreint. Tant que les personnalités comme Viaud ou Fréchet ont su tenir le rythme, Angers trouvait toujours la solution mais le capitaine a été handicapé par une douleur au genou, Fréchet a baissé de pied et Daury a connu une sacrée baisse de tension. « Normal pour un joueur qui a marqué un palier dans sa progression, plaide Gauthier, mais quand ces éléments moteurs ont été en demi-teinte, personne n'a su prendre le relais ».
En plus, selon la volonté de l'entraîneur et des dirigeants, l'effectif a fortement diminué à l'intersaison. Ce fut sans doute une erreur. Même si Gauthier reste persuadé que la stabilié dans son groupe était plus importante, il avait peu de solutions de rechange pour pallier les baisses de régime de Daury, Fréchet et Viaud, les absences de Lagrange, la transparence de Stéfanini. Il s'est toujours maintenu dans cette voie du non-changement.
Angers s'est cru en D I avant d'y être. Après la victoire à La Roche-sur-Yon, « nous avons pensé mentalement que c'était arrivé, avoue Aubry. Or, une montée, cela va se chercher et on n'a pas fait le nécessaire » dans une saison bizarre et perturbée (forfait de Brest, d'Orléans et report de V.A.-Red-Star).
Il y a eu aussi « la trouille de ne pas réussir. C'était le premier examen important. On n'a pas su l'assumer ». Les mots sont du président Tondut. Corroborés par Gauthier, « il y a eu fracture devant Ancenis qui a engendré une paralysie. On voulait bien faire mais on ne le pouvait pas. Mentalement, nous avons été fragiles ». Enfin, la déficience de Stéfanini a compliqué l'affaire. L'ex-Lavallois aurait dû être le dépositaire du jeu, le chef d'orchestre. Il n'en fut rien. « On n'a pas su l'utiliser. Et la complémentarité du milieu de terrain en a subi les conséquences, analyse Gauthier, il a un talent certain mais il ne s'est jamais exprimé dans un rôle clé. » Toutes ces raisons conduisent à l'échec. Relatives il est vrai, car l'objectif du SCO était de finir dans les trois premiers. C'est fait. Avec le regret d'être passé si près. Même si comme le dit le président Tondut, « la saison est positive. On a encore progressé. Avec un budget qui fait la moitié de celui de V.A. ». Il faut savoir parfois se contenter de ce que l'on a. Version douce, version soft de la douleur angevine.
Correspondance Jean-François CHARRIER
Joël Fréchet, l'un des régulateurs angevins. (Photo Jackie Delorme)
Merci à France Football (21 avril 1992) pour l'article et à Marc M. pour le scan.