LOIC AMISSE
L'événement a eu lieu. Loïc a quitté le FC Nantes après vingt-quatre ans de loyaux services. Pour signer, à trente-six ans, un contrat de deux ans avec Angers.
IL a coupé le cordon ombilical. Pour être en accord avec lui-même. « Il me restait un an de contrat », précise-t-il. « Les dirigeants nantais m'ont alors proposé d'intégrer le staff technique, mais, dans ma tête, j'étais encore acteur. Arrêter, comme ça, m'était insupportable. »
Coupé, le cordon ombilical ! En dépit des vingt-quatre années de présence — il est arrivé minime en 1966 — au FC Nantes, le seul club qu'il ait connu. « Nantes constitue ma troisième famille. À jamais », commente-t-il. « Je ne pourrais occulter cette période, c'est impossible. Je ne peux pas, je ne veux pas tourner le dos à tout cela. Je suis né à Nantes, j'ai joué au FCN, c'est toute ma vie. »
C'est-à-dire un palmarès édifiant : douze sélections chez les Bleus, champion de France à trois reprises (1977, 1980 et 1983), la Coupe de France en 1979, ainsi qu'un total de 600 matches joués, dont le 500° en Championnat de France fut fêté en mars dernier. À Geoffroy-Guichard. Lieu mythique, spécialement pour lui, où il marqua, en 1973, son premier but en DI. Le premier d'une série impressionnante : 112 inscrits dans les trois compétitions (Championnat de France, Coupes de France et d'Europe). « Une coïncidence, rien de plus », glisse-t-il avec sa bonhomie coutumière.
Prudent, il a donc longé les rives de la Loire. Jusqu'à Angers réputé pour sa douceur de vivre. « La Roche-sur-Yon, Guingamp ainsi que Châteauroux et un club suisse m'ont contacté. Sans lendemain », révèle-t-il. « L'accueil que le club m'a réservé, son environnement, son ambition — les cinq premières places — , tout cela m'a séduit. Et comme je me sens encore utile sur un terrain... Ici, je ne suis pas éloigné de mes racines nantaises. » Trente-six ans la semaine prochaine et Amisse évoque, tout naturellement, une nouvelle source de motivation (« une vie bien remplie, c'est quoi ? Des buts, des défis permanents. »). Alors que d'autres joueurs du même âge rejoignent les cols blancs et le business.
Est-ce bien raisonnable cependant de jouer les jeunes premiers avec un genou passé récemment au bistouri ? « L'ablation d'un ménisque, le 26 juin dernier, a perturbé ma préparation physique, c'est exact. Mais je m'astreins à un travail spécifique pour retrouver une condition physique suffisante. Il y a huit jours, j'ai joué une heure contre Bourges. Non sans difficultés. Normal ! Je sais aussi que cela se résumera à du coup par coup dans les semaines à venir. Mais je ne suis pas inquiet. Tout est question d'équilibre. »
« Si j'apporte une certaine forme de polyvalence, c'est tant mieux pour le groupe », dit Amisse, le nouvel Angevin. (P. ALLÉE)
« La tricherie, connais pas ! »
La recette de sa longévité en tant que joueur est peut-être là : « Travailler, m'améliorer ont été mes objectifs permanents tout en préservant le côté familial. Je n'ai jamais triché notamment vis-à-vis de moi-même, c'est essentiel. Mais, plus on vieillit plus il faut s'accrocher. »
Alors il s'accroche. « Non pas que je craigne la concurrence mais pour éviter de décevoir. » C'est tout lui ça ! « Si les dirigeants angevins m'ont fait venir, c'est en raison de mon expérience, je crois. J'ai donc des obligations envers eux. »
Expérience puissance dix, plus exactement, car l'image d'Amisse isolé sur l'aile gauche est aujourd'hui caduque. N'a-t-il pas tenu, tour à tour, plusieurs rôles sur les terrains : parfait remiseur, buteur puis second avant-centre avec Vahid Halilhodzic et enfin meneur de jeu. « Si, en plus, j'apporte une certaine forme de polyvalence, c'est tant mieux pour le groupe. »
Plus gentil, ça n'existe pas. « Détrompez-vous. Lorsque j'ai quelque chose à dire, je le dis calmement, certes, mais je le dis. Mon regret aujourd'hui ? N'avoir joué aucun match de Coupe du Monde à cause peut-être d'une certaine forme de timidité. »
En 1985, Suaudeau disait déjà de lui à l'aube du match aller contre le Spartak de Moscou en C3 : « Déroutant pour l'adversaire, il a l'art de se faire comprendre de ses partenaires. Aujour'hui, il s'investit et laisse apparaître ce qu'il n'a cessé d'être. C'est ça, les timides. » Loïc avait trente et un ans.
Maurice BROQUET
Merci au journal l'Equipe pour l'article et à Marc M. pour le scan.