RETROSCOPIE

1956 : l'accession en Division 1

La terre promise, enfin !


Le 27 mai 1956, à Nantes, le SCO gagne son billet pour la Première Division. Debout de gauche à droite : Fragassi, Kowalski, Pasquini, Biancheri, Bourigault, Sbroglia. Accroupis : Kryslack, Schindlauer, Tison, Jacksteel, Le Gall.

En 1956, le SCO allait enfin obtenir son billet pour la Première division après douze ans d'efforts. Arrivé de Marseille en cours d'année, Alphonse Le Gall a largement contribué à cette réussite en inscrivant 17 buts dans la seconde moitié de la saison. Il se souvient de cette accession arrachée lors de la dernière journée à Nantes dans des circonstances assez particulières...

Le 27 mai 1956, le football française a failli assister au premier scandale important de son histoire. Les esprits mal intentionnés ne manqueront pas d'ailleurs de remarquer que le club de Valenciennes y était (déjà) intimement mêlé. Les Angevins et les Nordistes se trouvaient alors au coude à coude dans le sillage de Rennes pour obtenir la seconde place du championnat, synonyme d'accession à l'élite nationale. Après un début de saison plutôt laborieux, le SCO occupait la septième place à la fin des matches « aller » avec huit points de retard sur Valenciennes. Les dirigeants angevins eurent alors la bonne idée d'aller chercher à Marseille un Breton d'origine qui se morfondait sur le banc de touche phocéen en regardant évoluer Gunnar Andersson et Larbi Ben Barek.

17 buts en une demi-saison !

« J'avais disputé seulement deux matches en une demi-saison, se souvient Alphonse Le Gall. Je suis donc arrivé au SCO avec une grosse envie de jouer ». A cette période de l'année, la montée en D1 qui ne constituait d'ailleurs pas vraiment l'objectif de la saison, semblait parfaitement utopique. L'arrivée de Le Gall allait cependant dynamiser l'attaque angevine et le SCO allait peu à peu grignoter son retard. A tel point que grâce à une série exceptionnelle (15 victoires en 18 rencontres), l'affaire semblait dans le sac avant même l'ultime journée. En réussissant un bon nombre de doublés, Le Gall avait pris une part prépondérante au redressement angevin puisque derrière l'avant-centre Kryslak (18 buts), il était le meilleur réalisateur du SCO avec 17 unités. Mais là n'était pas le plus important : « Les Valenciennois qui avaient maintenant deux points de retard sur le SCO jouaient leur dernier match au Red-Star la veille de notre déplacement à Nantes. Ils ont gagné 9-1 alors qu'au goal-average, ils étaient à moins sept par rapport à nous ». Ce succès nordiste pour le moins curieux (surtout si l'on veut bien se souvenir que lors du match aller à Valenciennes, c'était le Red-Star qui l'avait emporté 2-0 !) avait donc pour effet de rendre obligatoire un résultat positif des Angevins en terre nantaise. Ce fut donc avec la peur au ventre, et devant des adversaires manifestement peu décidés à leur faire de cadeau (suprématie régionale en jeu tout de même) que les Angevins abordèrent cete rencontre décisive dans un stade Malakoff que les supporters du SCO avaient envahi (10.406 spectateurs payants).

« La vérité oblige à dire que nous n'avons pas fait un match extraordinaire ce jour-là », concède Le Gall. Dans « Le Courrier de l'Ouest » du lendemain, l'entraîneur Karel Michlowsky, plein de sincérité, parlera même d'une « rencontre quelconque ». N'en déplaise à la modestie des uns et des autres, c'est bien un authentique exploit que le SCO avait réalisé ce jour-là. « Ce fut une partie dure, heurtée. Le Nantais Balloche fut expulsé pour m'avoir mis un coup de pied dans les fesses ! Nous avons finalement gagné 2-0 mais Kryslak n'a assuré notre succès qu'à la dernière minute ».


Alphonse Le Gall (à gauche en tenue de kiné !) feuillette l'album du souvenir en compagnie de son partenaire Claude Bourrigault.

Un effectif très stable

L'accession fut, bien entendu, dignement fêtée dans un flot de Champagne et de muscadet. « Nous avions été aux Cadets de Gascogne à Nantes ! », se souvient encore l'ailier gauche scoïste, à la mémoire décidément excellente... Le bizarre succès nordiste sur le Red-Star fut donc rapidement oublié puisqu'il n'avait plus d'incidence sur le classement. Il y a quand même fort à parier qu'il en aurait été tout autrement en cas de non-accession du SCO... (Pour la petite histoire, Valenciennes parvint quand même à monter en D1 après un match de barrage contre Lille).

La force de l'équipe angevine tenait aussi à l'époque dans la remarquable stabilité qui caractérisait le club. « Mis à part l'arrivée de Gégène Fragassi et la mienne, il n'y a eu pratiquement aucun changement dans l'effectif pendant plusieurs années. Notre montée en D1 n'allait d'ailleurs rien modifier à l'affaire. On était vraiment une équipe soudée, capable d'être dominée et de gagner quand même ».

Il faut dire qu'à l'époque, la gestion du SCO était assurée (était vissée, diront certains joueurs qui n'ont pas oublié quelques discussions tendues à l'heure de la signature des contrats...) par Abel Doizé, lequel mettait un point d'honneur à ne pas dépenser le franc qu'il n'avait pas. Son flair pour dénicher les joueurs à bas prix est encore dans les mémoires au même titre que son accent particulièrement savoureux. Cette politique pleine de sagesse, qui contrastait singulièrement avec celle beaucoup plus dispendieuse de l'immédiate après-guerre venait donc de remporter un éclatant succès. Elle allait conduire les intérêts du club pendant de nombreuses années. Nous aurons, sans aucun doute, l'occasion d'en reparler.

Alphonse Le Gall, qui avait débuté à Rennes avant son passage à Marseille, finira sa carrière au SCO. Durant les trois dernières années de celle-ci, il mènera de front des études médicales qui lui permettront d'ouvrir un cabinet de kinésithérapie qu'il tient encore aujourd'hui boulevard St-Michel. Un de ses fils, Christophe, portera à son tour, le maillot blanc de l'équipe fanion du SCO avant d'émigrer à Nevers pour raisons professionnelles. Quant à son partenaire de l'époque, Claude Bourrigault, il prendra le relais lors du prochain numéro de la rétroscopie pour évoquer ce qui, à ce jour, constitue la principale vitrine du club angevin : la finale de la Coupe de France en 1957...

Benoît BLANCHET

Rétro-écho

Sbroglia. — La sage politique du SCO avait des qualités. Elle avait aussi des lacunes, l'anecdote que nous a racontée Gilbert Rabineau à ce sujet étant particulièrement édifiante. Gilbert, grand supporter du SCO, était resté l'ami de Jules Sbroglia qui quittera le club avec la nette impression de s'être fait rouler dans la farine sur les sommes qui lui étaient dues par le SCO. Quelques années plus tard, Rabineau rendit visite à son ami qui s'occupait de jeunes footballeurs chez Michelin à Clermont-Ferrand. Gilbert eut bien vite l'œil attiré par un tout jeune gamin qui réalisait des prodiges avec ses pieds. Il demanda alors à Sbroglia si le môme en question porterait un jour le maillot du SCO. La réponse fut cinglante : « Jamais ! Tu m'entends ? Celui-là, ils ne l'auront jamais ! ». Le petit bonhomme se fera bien vite un nom dans les milieux du football ; il s'appelait Serge Chiesa.

Merci au Courrier de l'Ouest pour l'article et à Benoît B. pour le scan.