RETROSCOPIE

Années 49 à 51

Kopa et l'équipe biberon


« On ne trouvait jamais rien de mieux que de nous prendre en photo devant les toilettes ! » La réflexion amusée de Raymond Kopa (deuxième joueur accroupi à gauche), donne une idée des moyens de l'époque. Debout, de gauche à droite : KADMIRI, SAUPIN, PORDIER, VENEZIANO, BENATAR, MOUREAU. Accroupis : PAILLAN, KOPA, SINIBALDI, ROUSSEAU, LEGLISE.

Raymond Kopa a été sans conteste le joueur le plus célèbre à avoir porté le maillot blanc du SCO. Il l'a fait à ses tout débuts professionnels, à une époque où le club connaissait une passe plutôt difficile. Souvenirs des saisons 49-50 et 50-51.

En 1949, le SCO était dans une situation bien délicate. Les finances, mises à mal par la politique de recrutement spectaculaire engagée sans résultat réellement probant en 1946, ne supportaient plus le moindre écart. Aston, Simonyi, Cisnéros, Samzun, Micklowsky, Bikadoroff et beaucoup d'autres joueurs encore avaient dû être transférés à la va-vite pour boucher les trous. L'ancien joueur de Cholet, Camille Cottin, engagé cette année-là comme entraîneur se demandait donc, avec un brin d'inquiétude comment il parviendrait à former une équipe compétitive. Quand on n'a pas d'argent, il convient d'avoir des idées. Camille Cottin n'en était heureusement pas dépourvu. Il engagea donc Saupin, Rousseau, Guhel et Kopa quatre gamins de 18 ans, tous lauréats du concours du jeune footballeur la même année.

La famille Kopazewski, immigrée de Pologne s'était installée dans le pays noir à Nœux-les-Mines. Formé à la dure école du bassin houiller (il y laissa son index gauche écrasé par un roc à la suite d'un éboulement), le jeune Raymond Kopa s'était déjà fait un nom dans la région nordiste. « Lens, Lille et Roubaix avaient l'œil sur moi mais ils me trouvaient sans doute trop petit ! »

L'influence de Camille Cottin

Camille Cottin ne s'arrêtera pas à ces considérations et lui proposera bien vite un contrat de semi-professionnel. « Cottin est la personne qui m'a le plus marqué lors de mon passage au SCO. Pour les joueurs, c'était bien plus qu'un entraîneur. Il s'occupait de tout au club, de nos loisirs en particulier. Je me souviens notamment des parties de pêche qu'il organisait. Vraiment un type super ! »

La future star du Réal de Madrid avait donc quitté sans regret son difficile métier de mineur de fond mais il ne roulait pas sur l'or pour autant. Les centres de formation n'existaient pas encore et les conditions de vie des jeunes professionnels étaient donc particulières. « Pendant deux ans à Angers, j'ai logé chez l'habitant. De plus, comme je n'étais que semi-pro, j'étais censé trouver un emploi, j'avais donc choisi l'électricité... mais on ne m'a jamais fourni de travail ! » D'un point de vue strictement sportif, Raymond Kopa garde le souvenir de deux saisons particulièrement difficiles. L'enthousiasme et le talent de cette équipe de minots (outre les quatre joueurs déjà cités, il fallait rajouter Estéban et Crespo qui avaient eux aussi moins de vingt ans) allaient cependant permettre d'assurer le maintien en seconde division ce qui compte tenu de l'importance des départs constituait déjà un exploit. « Les débuts de saison étaient assez brillants mais après, il fallait cravacher et l'atmosphère autour du stade devenait assez particulière. Je me souviens d'une fois où quelqu'un avait déposé une lanterne rouge dans le rond central au moment de notre entrée sur le terrain. ça vous donne une idée de l'ambiance ! »

Aux soucis sportifs s'ajoutaient les soucis financiers. Lors de la saison 50-51, la section pro, menacée de disparition, n'avait pu repartir que grâce à l'extrême compréhension de la municipalité. Kopa dont la réputation devenait chaque jour plus flatteuse allait bientôt être un centre d'intérêt pour les clubs plus huppés. Le SCO, en recherche permanente d'argent frais, ne pourra pas retenir bien longtemps son joueur le plus populaire. En avril 1951, le stade de Reims vient à Angers, à l'occasion d'un match amical et Albert Batteux remarque bien vite le petit avant angevin. « Suite à ce match amical, je suis parti un mois en tournée avec Reims en Algérie. Au retour, j'ai signé avec le club champenois pour 1,8 million de francs ». La page angevine est tournée. A peine un an plus tard, Raymond Kopa obtiendra sa première sélection en équipe de France et il s'envolera pour la prestigieuse carrière que nous lui connaissons.

Le retour à Angers

Au terme de celle-ci, il reviendra cependant s'installer à Angers, la ville de sa femme Christiane d'ailleurs conseillère municipale. Depuis un an et demi, il n'a plus d'activité professionnelle mais il a banni de son vocabulaire le mot retraite. « Dites plutôt que je suis en vacances à vie... » Il s'est mis au tennis il y a quelques années et, à plus de soixante ans, il conserve un excellent classement : 30/1 (sa fille, Sophie, prof de gym, est 3/6). Cependant la passion du ballon rond reste la plus forte. « Je suis allé vers le tennis en pensant que cela m'aiderait à lâcher le foot mais je n'y arrive pas ! ». Raison pour laquelle, il participe pour la vingt-deuxième saison consécutive au championnat « vétéran » dans les rangs de N.D.C. [Notre-Dame des Champs, ndlr] « Savez-vous qu'avec plus de 1.300 pratiquants, le Maine-et-Loire est un département de pointe en matière de football vétéran ? » Raymond Kopa a toujours été un assidu du stade Jean-Bouin même aux heures sombres de la deuxième division, il regarde les performances angevines avec un œil qui n'est pas celui de la neutralité. « Je suis un grand supporter du SCO », affirme-t-il. On s'étonne et on regrette un peu de ne l'avoir jamais vu remplir un rôle officiel au sein du club. Ce serviteur du football reste avant tout un passionné. « J'ai eu la chance de ne devoir travailler qu'une vingtaine d'années dans ma vie... car vous n'allez tout de même pas me dire que les heures passées sur les terrains de football correspondent à des temps de travail ! ».

Benoît BLANCHET.

Echos

Transfert record : cinq ans après son transfert à Reims pour 1,8 million de francs, Kopa partira pour le Real de Madrid pour la somme record de 52 millions de francs. Le SCO est vraiment passé à côté d'une bonne affaire !

Longévité : Kopa n'a raccroché les crampons qu'en 1968, à l'âge de trente-sept ans. Revenu au stade de Reims en 1959, il demeurera fidèle jusqu'au bout au club du président Germain pourtant relégué en deuxième division en 1964.

Souvenirs. - Entre 51 (départ de Kopa) et 56 (sujet de la prochaine rétro) arrivèrent au SCO, plusieurs joueurs qui allaient marquer l'histoire du club angevin. Parmi eux, on citera notamment : Kowalski, Pasquini, Sbroglia, Desrousseaux, ainsi que l'international suédois Nilsson. Ce dernier, un excellent joueur pourtant, n'a pas beaucoup marqué les esprits angevins par ses qualités footballistiques. En revanche, son surnom de « M. Cognac » est encore très vif dans les mémoires.

Mai 1951. - La situation financière étant dramatique, des affiches « Où va le SCO ? » furent apposées sur bon nombre de murs de la ville dès la fin de la saison 50/51. M. Béziau, président du club, accompagné par son prédécesseur au même poste, Eugène Blot, défendit les intérêts de leur club avec une telle conviction auprès de la municipalité angevine que le maire, Victor Chatenay, accorda au SCO une subvention exceptionnelle, qui sauva très certainement le club du dépôt de bilan.


Raymond Kopa (au centre sur la photo) sous le maillot angevin au stade Bessonneau (la maison derrière les joueurs était le vestiaire de l'époque). Très rare document prêté gracieusement par l'intéressé lui-même.

Merci à Benoît B. pour l'article et le scan. Pour la compo de l'équipe, il y aurait deux erreurs : Accroupis, il s'agit de Paryan et non de Paillan, et c'est Bourdin au lieu de Rousseau. Merci à Gérard D. pour cette précision. Et puis, tant qu'on y est, c'est Pordié avec un "é".