RETROSCOPIE

1946-47

« L'équipe des millionnaires »


Voici la fameuse équipe des millionnaires (1946-1947) : debout de gauche à droite, Georges Meuris, Samzun, Chipponi, Bykadaroff, Kadmiri, Firoud, Robert Meuris ; accroupis, Gomez, Combot, Simonyi, Dussautois, Badin, Aston.

A l'heure où le SCO dispose d'un petit budget en D1, on a du mal à croire que le club ait pu s'appeler autrefois « l'équipe des millionnaires ». Tel fut pourtant le cas en 1946. Jean Combot, semi-professionnel à l'époque, n'a pas oublié sa cohabitation avec quelques stars du foot français.

On se souvient qu'au sortir de la guerre, le SCO avait obtenu une surprenante troisième place dans le championnat de D2 pour sa première année de professionnalisme. Cette réussite initiale allait inciter les euphoriques dirigeants angevins à viser la Première division dans les plus brefs délais. Ils n'allaient pas lésiner sur les moyens pour y parvenir en se lançant dans une politique de recrutement spectaculaire et onéreuse mais qui n'allait malheureusement pas obtenir les résultats escomptés.

Tout d'abord, on avait lancé une souscription auprès des entreprises et des particuliers et elle avait donné de bons résultats. Forts de la confiance populaire, et certains que l'accession ne pourrait leur échapper pour peu que l'on y mette le prix, les dirigeants avaient donc recruté à tout va. Allaient alors arriver au SCO en un rien de temps quelques-uns des plus grands noms du football français. Aston, 38 fois international (il avait en plus eu le redoutable honneur de faire partie de la sélection mondiale), Simonyi, 4 fois international (mais combien aurait-il eu de sélections sans le conflit mondial ?). S'y ajoutaient les Argentins Cisnéros et José Maria Martin ainsi que Firoud et Kadmiri. Bref, une constellation de vedettes jamais vue en seconde division et ménagée par l'ancien international (un de plus !) Georges Meuris.

Aston et Simonyi

Jean Combot, lui, n'appartenait pas vraiment à la même catégorie. Tout comme ses deux frères, il jouait au SCO depuis quelques années déjà (il fut champion de France amateurs en 1943) mais il n'avait pas voulu s'investir à 100 % dans l'aventure du profesionnalisme en 1945. « Cette année-là, j'ai signé comme semi-pro. J'avais une place au Crédit agricole et je ne voulais pas la lâcher. A l'époque, on ne gagnait pas plus dans le foot que dans la banque ! De plus, au SCO, ce qui m'intéressait toutes les semaines, ce n'était pas de savoir combien j'allais gagner, c'était de savoir si j'allais jouer ou pas... ».

Désintéressement d'une autre époque mais qui n'empêchait pas Combot d'éprouver certaines difficultés à concilier les deux activités. « Je n'étais heureusement astreint qu'à la moitié des entraînements mais il fallait tout de même avoir un patron compréhensif. Quelquefois j'arrivais au boulot à 8 heures, à 9 heures et je partais à vélo pour l'entraînement et à 11 heures et demi j'étais de retour au bureau... »

Aston et Simonyi étaient loin d'avoir les mêmes conditions de travail. Ils avaient touché un confortable pactole à l'occasion de leur transfert et ils bénéficiaient aussi de privilèges exorbitants qui feraient sourire aujourd'hui. « Ils ne venaient à Angers que pour les matches. Le reste du temps, ils habitaient Paris et s'entraînaient avec le Red-Star ». Délicat alors d'échapper à certaines rivalités au sein d'une équipe angevine à la recherche d'une identité. De la douce voix de Jean Combot ne s'élève pourtant aucune protestation. L'homme veut avant tout se souvenir de « deux gars sympas qui m'ont fait beaucoup progresser » mais l'histoire allait cependant surtout retenir ce fameux penalty manqué par Symonyi contre Alès dans le cadre d'un match décisif pour la montée.

Un penalty maudit

Ce jour-là, à Bessonneau, le SCO menait 3-1 et la Première division semblait dans la poche. Un nul était en effet suffisant, et deux joueurs bénévoles étalent blessés. Malheureusement, Alès revint au score avant de prendre l'avantage 4-3. C'est à cinq minutes de la fin du match que survint l'épisode de ce fameux penalty raté par Symonyi après que Robert Meuris eut refusé de le tirer. « ymonyi était pourtant un joueur extraordinaire. Il s'entraînait pieds nus et mettait exactement le ballon là où il voulait. Pour la deuxième année consécutive, le SCO terminait à la troisième place et échouait aux portes de la D1. A cause de ce maudit penalty, le « club des millionnaires » (selon l'expression des journaux parisiens) n'avait pas réussi dans son entreprise. Le départ des uns et des autres (une grosse partie de l'effectif fut transférée en l'espace de deux ans) et les difficultés financières qui s'annonçaient n'allaient pas empêcher Combot de rester fidèle à son club jusqu'à la fin de sa carrière. « En 51, je n'arrivais plus à joindre les deux bouts. J'ai arrêté ma carrière pro et je me suis occupé de l'équipe A amateurs que j'ai entraînée jusque dans les années 60 ».

Aujourd'hui, à 68 ans, entre les cartes et la boule de fort, il continue à pratiquer le tennis à l'ATC. Il croise parfois sur les courts un certain Raymond Kopa avec lequel il a joué au SCO en 1950. A cette époque, le club des millionnaires avait laissé sa place à « l'équipe biberon ». Un changement radical de politique dont Raymond Kopa, son principal fleuron, racontera les effets dans le prochain épisode de la rétroscopie.

Benoit BLANCHET

LIQUIDATION

Malgré l'échec de 1946-1947, le SCO repartit sur des bases assez similaires la saison suivante. Seuls les deux Meuris étaient partis : le père Georges au CSJB Angers et le fils Robert (qui mourra encore jeune dans le dénuement le plus total) à Roubaix. Symonyi était passé entraîneur. Le SCO ne termina que 7e ce qui entraîne une véritable liquidation des joueurs en fin de saison. Aston et Simonyi regagnèrent Paris, Cisnéros fut transféré au Racing, Rosé Maria Martin en Espagne, Bykadaroff, Samzun et Toscanelli à Montpellier, Micklowski et Gomez à St-Etienne, etc. Les vaches maigres pouvaient commencer. Heureusement, dans des conditions difficiles, l'équipe biberon allait relever la tête.

EXPLOIT

Eclair dans la grisaille : le SCO réussit à battre l'Olympique de Marseille en 16e de finale de la Coupe de France (3-2 a.p.). Anecdote à ce sujet trouvée dans le livre « La Grande Histoire de l'OM » (Editions R. Laffont). C'est la fête à Angers : on offre à l'équipe... un vélo. Chipponi, le capitaine, en hérite par tirage au sort, il le remet en jeu. Vendu aux enchères américaines, le vélo rapporte 55.000 F. Il est acquis par le directeur sportif Cottenceau qui... l'offre à l'équipe. La fête, vous dit-on...


Jean Combot est resté très Angevin dans le cadre de sa pratique sportive.

Merci au Courrier de l'Ouest pour l'article et à cris72 pour le scan.