RETROSCOPIE

Les années après-guerre

Le passage au professionnalisme


En haut de gauche à droite : G. MEURIS (entraineur et capitaine), ESCOLIVET, CAMPIGLIA, SANFILIU, BERGEON, BYKADOROFF, Pierre COMBOT, LEBOUC, DEVOS, VERMEIREN, R. MEURIS. En bas même ordre : SAMZUN, J. COMBOT, HATCHIGUIAN, KARTOYAN, R. PERRIN, TOSCANELLI, FACON, CIAN.

A la sortie de la guerre, le SCO va adopter le statut professionnel dans des circonstances assez rocambolesques. René Samzun a vécu en tant que joueur cette transition un peu précipitée. Il se souvient de cette brouille avec la ligue de l'Ouest qui a servi de déclencheur à l'aventure.

« J'ai joué dans plusieurs clubs dans ma carrière, Nantes et Montpellier par exemple, mais au niveau du cœur, il n'y en a qu'un qui ait vraiment compté... c'est le SCO ». René Samzun, scoiste parmi les scoistes, a commencé à jouer au club angevin à l'âge de treize ans.

Naturellement doué pour le football, il se classe deuxième (« à un dixième de point du premier ! précise-t-il fièrement) du concours national du jeune footballeur puis il remporte avec le SCO la finale du championnat de France amateurs en 1943. A aucun moment cependant, il n'envisage de s'exiler pour tenter l'aventure professionnelle. « Je commençais à travailler à la banque et mes parents se seraient opposés à un quelconque départ. Si le SCO n'était pas passé « pro », je n'aurais sans doute jamais fait carrière... » Rien pourtant en 1945 ne laissait prévoir cet événement qui allait changer le cours de sa vie et celle de son club. Durant la guerre, le SCO, comme du reste tous les clubs de Maine-et-Loire, avait intégré la ligue du Centre du fait d'un nouveau découpage rendu obligatoire par l'Occupation. C'était donc dans le cadre de cette ligue du Centre que les Angevins avaient accédé à la division d'honneur avant de devenir champions de France en 43.

A la Libération, on revint tout naturellement à l'ancien découpage mais la ligue de l'Ouest ne voulut rien offrir d'autres aux Angevins qu'une place en promotion d'honneur parce que c'était à ce niveau-là que le SCO avait quitté sa ligue d'origine en 1939 ! Le SCO refusa cette proposition et entra donc en conflit avec la L.O.F. Celle-ci n'étant pas décidé à céder, l'affaire semblait inextricable.

« Mon père, dit René Samzun, était secrétaire général du SCO. Il a alors appelé la Fédération pour demander son arbitrage ». Plutôt que de résoudre le problème, la F.F.F. choisit de le contourner habilement en proposant au SCO de poser sa candidature au groupement des clubs professionnels. Après bien des discussions passionnées et des hésitations compréhensibles, le comité directeur du SCO, grâce surtout à la connaissance des dossiers de son secrétaire, Félix Samzun, fit donc aboutir ce projet un peu fou. Le SCO d'Angers, comme du reste le F.C. Nantes la même année, devenait donc - sans l'avoir vraiment cherché - un club professionnel.

Un résultat inespéré

Pour commencer la saison en deuxième division, le SCO se lançait donc un peu dans l'inconnu d'autant que, faute de temps, le recrutement avait été quasi inexistant. Il fallait donc partir avec la formation amateurs à laquelle s'ajoutaient seulement deux éléments (amateurs eux aussi), Campiglia de Saumur et Toscanelli de Cholet. Toujours entraînée par Georges Meuris, l'équipe semblait donc un peu juste même si la ligne d'attaque était complétée par un certain... Robert Meuris (16 ans) qui, en la circonstance, avait souvent son propre père pour partenaire ! « C'était un joueur au talent vraiment exceptionnel, malheureusement son père lui laissait faire tout ce qu'il voulait ».

En dépit de son équipe inexpérimentée, le SCO allait obtenir une surprenante troisième place en championnat juste derrière le Stade Français et Nancy qui obtenaient leurs tickets pour la première division. René Samzun garde un souvenir ému de cette première saison et de l'engouement qu'elle avait suscité parmi les supporters. « Je me rappelle surtout de notre match à Bessonneau contre le Stade Français, formation dans laquelle évoluait Larbi Ben Barek, la plus grande vedette du foot français de l'époque ».

Ce jour-là, 18.000 spectateurs (un record invraisemblable qui allait tenir près de quinze ans) étaient venus assister à l'honorable défaite (1-3) du SCO et René Samzun n'a pas oublié quelques détails savoureux. « Avant chaque match à domicile, nous mangions dans un restaurant du boulevard puis nous nous rendions au stade... à pied car nous n'avions pas d'autre moyen de locomotion. Ce jour-là, je fus surpris de constater que de nombreux supporters qui faisaient le trajet vers le stade avec... des échelles doubles. C'était pour être sûr de voir quelque chose pendant le match ! »

Pour son coup d'essai, le SCO avait failli réussir un coup de maître, l'accession en première division n'étant manquée que d'une toute petite place. Cette réussite inespérée allait malheureusement faire tourner la tête des dirigeants locaux qui voulurent alors faire « monter » à tout prix l'équipe angevine parmi l'élite dès l'année suivante. Le SCO allait bientôt devenir « le club des millionnaires » selon l'expression des journaux parisiens.

Benoît BLANCHET.

CARRIÈRE. - Outre le maillot du SCO, René Samzun a également porté ceux de Nantes durant trois ans et de Montpellier durant deux ans. Dans le club de l'Hérault, il a goûté durant une saison à la première division. « A cette époque-là, quand on rencontrait les clubs vedettes, on ne jouait pas la défense à tout prix comme aujourd'hui. A Lille, Reims ou au Racing, on prenait cinq ou six buts et en plus, on était très contents ! »

SÉLECTION. - René Samzun a connu les joies d'une cape dans la sélection française (équivalent de France B) qui disputa un match en Indochine, en 1949. A ses côtés, on relevait les noms de Jean Prouff et Albert Batteux.

SALAIRE. - « En ce temps-là, nos salaires pouvaient être comparés à ceux d'un cadre moyen de l'époque ». Même si les salaires des joueurs actuels le font rêver, René Samzun se souvient surtout des contrats à vie qui unissaient les joueurs à leur club d'origine. « On était complètement prisonnier jusqu'à 35 ans. Heureusement, Raymond Kopa dénoncera le scandale et le contrat à temps s'installera progressivement ».

DÉPLACEMENTS. - « Aujourd'hui, avec les avions, les joueurs peuvent être chez eux à une heure du matin après les matches à l'extérieur. Ça fait rêver ». Autrefois, en effet, il fallait parfois partir le vendredi soir en train (3e classe) pour ne revenir que le lundi après-midi. « Et si on voulait des couchettes, il fallait participer ! ».


René Samzun et le SCO : une longue histoire d'amour.

Merci à Benoît B. pour l'article et le scan.