Miroir Sprint No 1080 du 13 février 1967.

LA FOULE DE PARIS ATTENDAIT SKOBLAR...

61e minute. A la suite d'une faute de main bien inutile de Grobarcik, Skoblar, chargé de tirer le penalty, voit son shot stoppé par Gallina que Dubaële et Dogliani viennent féliciter.

...ELLE A DECOUVERT L'EQUIPE D'ANGERS ET...MARGOTTIN

PARMI les 25.000 spectateurs du match Angers-Marseille, nombreux étaient ceux qu'avait attiré au Parc des Princes l'énorme battage fait autour du nom de Skoblar. A la fin de la partie les mêmes spectateurs, et sans doute aussi beaucoup d'autres, se trouvèrent d'accord pour scander avec enthousiasme les syllabes d'un nom qui n'avait pas la moindre consonance yougoslave : celui de Margottin.

La réaction de la foule était explicable. Non seulement «Monsieur un but par match» s'était avéré impuissant à justifier les hyperboles de ses managers publicitaires, mais neutralisé par l'action conjuguée de Mouilleron et de Grobarcik, il avait à ce point perdu confiance au fil des minutes qu'il avait manqué un penalty, et complètement raté ensuite une occasion de but inespérée.

C'est précisément durant la période où la déconfiture de «l'opération Skoblar» apparut comme une énorme évidence, que Margottin réussit une série de débordements qui transformèrent un score déjà lourd pour Marseille (3-0) en une véritable déroute (5-0).

Sur le plan de la morale la conclusion du public s'expliquait. Elle était moins juste sur le plan du football, car la victoire d'Angers, largement méritée, ne fut pas l'œuvre du remarquable ailier — qui pourrait bien se voir sélectionné contre la Roumanie — mais ceile de l'équipe tout entière, dont la supériorité ne fut contestée que durant le premier quart d'heure, et qui avait construit sa victoire avant les exploits de Margottin.

Les Angevins surmontèrent, en effet, très rapidement, l'obstacle psychologique constitué par un Skoblar qui avait abordé la partie avec l'immense confiance puisée dans ses triomphes marseillais. Mouilleron et Grobarcik vinrent à bout de cette confiance en se couvrant habilement pour neutraliser le Yougoslave. Et lorsque Deloffre ouvrit le score à la suite d'une transversale de Poli (20e minute), la supériorité constructive de son équipe s'était déjà manifestée par trois beaux mouvements dans lesquels le même Deloffre et Dogliani avaient joué un rôle déterminant.

On trouva encore ces deux hommes dans la création du second but, le plus beau du match, et aussi l'un des plus beaux qui se puissent voir. Dogliani élimina plusieurs adversaires dans un dribble plein de subtilité, s'appuya sur Deloffre dont la courte remise fut impeccable, et acheva sa course de débordement par un centre en retrait que Margottin reprit d'un irrésistible coup de tête à bout portant (30e).

Le troisième but, qui constituait une assurance de victoire, fut manqué de très peu une minute plus tard par Dubaele, dont la reprise de volée en finesse d'un centre de Stievenart trouva Escale à la parade. Mais il fut réussi dès le début de la seconde mi-temps (47e) par Deloffre, sur passe de Dubaele. Coïncidence malheureuse pour les Marseillais, Artelesa, victime d'un claquage en voulant intervenir, dut dès lors se contenter d'un rôle de figurant à l'aile droite. Et lorsque Skoblar s'avéra incapable de tirer parti du penalty dont lui avait fait cadeau Grobarcik, coupable d'une faute de main bien inutile (61e), le match devint l'opposition inégale du chat et de la souris. Margottin, lancé par Poli (79e), puis Chlosta sur coup franc consécutif à une percée de Margottin (83e) complétèrent un score qui aurait pu être encore sensiblement aggravé.

Grâce à l'utilisation du hors-jeu, même durant cette 2e mi-temps, Marseille donna l'impression de faire au moins jeu égal avec son rival dans l'occupation du terrain. Mais la position statique des quatre arrières de l'O.M. sur la ligne médiane, leur utilisation constante des longs dégagements, la position toujours très repliée des deux hommes du milieu, le jeu individualiste des avants qui en est la conséquence ne constituaient qu'une caricature de la défense en ligne, dont la raison d'être est l'offensive construite.

Impuissante à constituer la base de départ d'un véritable jeu offensif, cette version Domergue de la défense en ligne s'avéra incapable d'assurer la sécurité faute d'une intelligence suffisante du recul, et les diagonales de Deloffre et de Poli vers Margottin et Stievenart, les rapides montées de Dogliani et de Deloffre, furent autant de dangers de buts.

Bien que fréquemment pris en flagrant délit de hors-jeu, les Angevins se comportèrent dans l'ensemble avec beaucoup d'intelligence. La recherche constante du une-deux court et de la circulation latérale du ballon prépara les passes longues en diagonale et les montées soudaines. Quand le S.C.O. se trouva en possession du ballon, il manœuvra avec une habileté et un brio qu'aurait pu lui envier n'importe quelle équipe.

Cette merveilleuse aptitude au jeu constructif qui lui permit de surclasser un adversaire difficile à manœuvrer, la valeur éclatante de ses individualités, et la solidité de leurs automatismes collectifs, nous incitent cependant à regretter que le système défensif utilisé demeure assez flou. Si le 4-2-4 Angevin s'appuyait sur l'utilisation du hors-jeu, nul doute que les Bourdel, Chlosta, Mouilleron, Grobarcik apporteraient à leurs attaquants un soutien plus constant, et assureraient mieux leur sécurité défensive. Cette lacune comblée, on ne voit pas très bien quel adversaire français pourrait actuellement tenir en échec cette formation dont on hésite à détacher des individualités, tant Dogliani, Deloffre, Margottin, Dubaele, Poli, Bourdel, Stievenart, Mouilleron, Chlosta furent brillants à des titres divers.

Il est encore plus difficile, pour des raisons inverses, de détacher les Marseillais qui émergèrent du naufrage. Laissons à Fontaine, qui assistait au match, le soin de faire un choix parmi... les Angevins.

F. T.

S.C.O. ANGERS : Gallina ; Grobarcik, Mouilleron, Chlosta, Bourdel ; Poli, Deloffre ; Margottin, Dubaele, Dogliani, Stievenart.

OL. MARSEILLE : Escale ; Tassone, Artélésa, Zwunka, Lopez ; Djorkaef, Destrumelle ; Casolari, Joseph, Fiawo, Skoblar.




ANGERS-MARSEILLE (5-0). — 20e minute. Poli va croiser la balle sur la gauche, en direction de Deloffre qui, après avoir dribblé Artelesa, va battre Escale malgré un retour désespéré de Zwunka. On remarquera, au départ de cette action, le mauvais placement d'Artelesa, qui aurait dû se trouver à la droite de Zwunka et non en couverture. Position qui lui aurait permis d'être sur la trajectoire.


30e minute. — Depuis l'aile gauche Dogliani a centré sur Margottin qui rabat la balle dans le but vide.