POUR LE S.C0. DANGERS, 10 ANS C'EST L'AGE DE RAISON ET DE L'AMBITION !


Le S.C.O. 1957, finaliste de la Coupe : de g. à droite, au premier rang : Le Gall, Schindlauer, Tison, Biancheri, Loncle. Debout : Kowalski, Hnatow, Sbroglia, Bourrigault, Pasquini, Fragassi, Presch (entraîneur).


Le S.C.O. 1967 qui rêve d'un trophée. De g. à dr., au premier rang : Margottin, Deloffre, Dubaële, Dogliani, Stiévenard. Debout : Gallina, Grobarcik, Bourdel, Mouilleron, Chlosta, Poli.

Angers : chef-lieu du département du Maine-et-Loire. Sur la Maine.

Cela, c'est la définition du Larousse. Aujourd'hui, Angers c'est autre chose de plus : c'est devenu un grand centre de football qui, cette année, fête — en même temps que la Coupe de France — son anniversaire. En effet, si la Coupe existe depuis cinquante ans pour la plus grande gloire du footbal français, il y a exactement dix ans que le S.C.O. d'Angers a conquis sa place parmi l'élite de nos équipes, en Division I.

A Angers on voudrait donc fêter l'événement d'une façon quelconque. Or, en football il n'y a pas trente six manières de célébrer des événements heureux : c'est seulement en remportant d'autres succès que l'on peut commémorer dignement le souvenir d'anciennes victoires. C'est une sorte de cercle que, paradoxalement on appelle vicieux. Mais, finalement, il est assez préférable de ne jamais sortir de ce cercle.

Or donc, pour ses dix ans de présence en Division I, Angers paraît avoir la possibilité de choisir entre deux directions : la Coupe ou le Championnat. Jusqu'à présent les Angevins ne s'étaient jamais tellement posé de questions car leur équipe qui avait, disait-on, la douceur du pays, ne se livrait jamais à quelque action d'éclat. Depuis son accession à la Division I, Angers, il faut bien le dire, a mené une petite vie honnête quasi-anonyme. On disait : « Oui, Angers ce n'est pas mal, mais... ». Comme on disait auparavant : Angers ? Mais c'est l'équipe de Division II qui pratique le meilleur football. Alors comment voulez-vous qu'elle « monte » ? ».

Heureusement, elle a fini par sauter le pas. Et en Division I, elle continua de bien jouer mais un peu en « ronronnant », tranquillement, gentiment, sans vouloir éclabousser personne semble-t-il, parce que personne ne mérite vraiment d'être terrassé et que de vivre en Anjou vous rend bon et optimiste.

« C'est curieux, dit souvent le président-trésorier Abel Doizé, à Angers les joueurs se plaignent de temps à autre question argent, mais finalement, c'est très rare que quelqu'un veuille partir et cela parfois pose certains problèmes. »

LE CAUCHEMAR D'UNE FINALE

Donc tout le monde se trouve bien à Angers où par-ci par-là, l'équipe a réalisé quelques exploits sans pour autant qu'on cesse de la prendre pour « une bonne petite équipe toute simple ». Et pourtant, en 1958, Angers se classe deuxième derrière Reims et en compagnie de Nîmes et Monaco. C'est, d'ailleurs, cette année-là qu'Angers inflige un terrible 6 à 1 à une équipe de Reims qui vient de récupérer Raymond Kopa rentré de Madrid. Sur le moment ce résultat produira un certain effet, mais on l'oubliera vite. Sauf sans doute Dominique Colonna qui passa ce jour-là, l'après-midi le plus inconfortable qui soit.

Les Angevins furent également les bourreaux de Nîmes qui y subit un 8 à 3 d'autant plus terrible que cela priva très certainement les Nîmois du titre de champion de France qu'ils durent laisser — avec le Racing — le tout dernier jour de la compétition, en 1962, à Reims. Ces coups d'éclat angevins surprenaient, sans plus, et l'on passait vite à autre chose. Sans doute parce qu'Angers, lorsqu'en 1957 son équipe s'était trouvée en finale de la Coupe, subit la plus grande défaite qu'ait jamais concédée un finaliste, puisque les Angevins durent concéder six buts. Or, ce sont les performances en Coupe de France qui vous forgent surtout un palmarès.

De l'équipe de cette époque, il reste à Angers Tonin Pasquini qui était arrière gauche et qui est maintenant l'entraîneur et Alphonse Le Gall qui jouait ailier gauche et qui, aujourd'hui, tient un actif cabinet de kinésithérapie. De temps à autre, Le Gall vient donner un coup de main au masseur de l'équipe. Pasquini et Le Gall sont bien d'accord : l'équipe actuelle est bien la meilleure de toutes les équipes qui se sont succédées à Angers. C'est une équipe qui a atteint sa majorité technique et qui, finalement, comme le dit Robert Lacoste, directeur sportif depuis deux saisons, « n'est certainement pas plus mauvaise que les autres ».

Il y a maintenant trois saisons, l'équipe d'Angers changea carrément de visage en accueillant six nouveaux joueurs. La transfusion était trop forte et l'équipe faillit redescendre en Division II. Elle se sauva in extremis au prix d'un très beau sprint. Mais ce renouvellement massif — le pire étant évité — devait finalement s'avérer payant puisque par la suite il a suffi de petites « touches » pour arriver à l'équipe actuelle, celle qui pourrait enfin être l'équipe du sacre. C'est, en fait, une bien curieuse équipe au départ, un peu une équipe de réprouvés.

EX-LENSOIS ET CELIBATAIRE

Prenons, par exemple, les joueurs les uns après les autres :

JEAN-PIERRE DOGLIANI. Agace les dirigeants marseillais qui, finalement le laissent filer pour un tarif dont M. Doizé rit encore. Mais le président d'Angers tient tellement à son Marseillais qu'il lui a fait signer un contrat jusqu'en 1969. Et Jean-Pierre en est finalement très heureux. Il se considère dès maintenant comme un Angevin à part entière.

JEAN DELOFFRE. A 23 ans et demi, Lens le considérait trop vieux, mais la Ligue le condamna à rester une saison supplémentaire à Lens sous prétexte qu'il avait manifesté pour changer de club des exigences financières incompatibles avec les règlements actuels. Aujourd'hui Deloffre. qui va bientôt se marier avec une Angevine, est évidemment très heureux au S.C.O.

CLAUDE DUBAELE. Ni Reims ni Rennes n'ont su reconnaître son talent. Il a dû quitter Rennes pour éviter de devenir... réserviste. Seul Antoine Cuissard connaissait sa valeur semble-t-il. Mais on se souvient que Cuissard fut remercié en quelques heures. Aujourd'hui, Dubaële figure parmi les meilleurs buteurs du Championnat.

MICHEL MARGOTTIN. A 15 ans et demi, sur la pelouse du Parc des Princes, comme ailier de l'équipe de Lens, il avait, pour son premier match professionnel, donné le tournis au « vieux lion » Roger Marche qui avait passé une heure et demie particulièrement pénible. Puis Michel disparut. Le bataillon de Joinville le relança et ce fut le transfert à Lyon et l'échec total avec un entraîneur qui ne sut jamais le saisir. A 23 ans — mais sept saisons de professionnalisme — Margottin a retrouvé aujourd'hui la joie de vivre. C'est l'ailier le plus déroutant, le plus « empoisonnant » de France... Et malin avec ça. Demandez donc à Chorda...

JACQUES MOUILLERON. Ce garçon qui jouait avant centre à Limoges n'avait jamais réussi à totalement s'imposer et, finalement, il vint à Angers pour assez peu de chose. C'est finalement au S.C.O. qu'il a trouvé sa meilleure place qui est celle de demi défensif. A ce poste, c'est même une révélation.

MILAN GROBARCIK. C'est le doyen de l'équipe : il a 33 ans. Il a d'abord joué à Béziers, puis à Lyon. C'est là qu'il a eu une jambe cassée : pour beaucoup Milan ne pouvait plus être tout à fait comme avant. Or, il s'avère, au contraire, qu'il est bien meilleur.

Quant aux autres joueurs, ils sont venus d'une manière bien plus naturelle. Ainsi Gallina parce que le Stade avait besoin d'argent et le jeune Poli dans les bagages, pourrait-on dire, de Robert Lacoste.

L'équipe forme un ensemble très uni dans lequel il y a quelques groupes de camarades. D'un côté, trois ex-Lensois : Stiévenard, Deloffre et Margottin — heureux d'ailleurs de l'avoir été — de l'autre, deux amis de régiment : Dogliani et Margottin. Au total, trois célibataires qui habitent ensemble : Margottin, Deloffre et Dogliani, sur la route de Cholet, à sept kilomètres d'Angers. De temps en temps, les joueurs mariés comme Mouilleron ou Stiévenard invitent les célibataires — qui comptent aussi Gallina — à venir dîner. On joue aux cartes, on discute et on regarde la télévision. Bref, on se retrouve en dehors du terrain le plus souvent possible, heureux d'appartenir à une équipe heureuse, une équipe sans histoires et qui pourtant voudrait bien s'en forger une.

PAR VICTOR PERONI

Merci à Football Magazine (supplément mensuel de France Football, n°85 de Février 1967) pour l'article et à johnny rep pour les scans.