Pierre Bourdel et la Coupe d'Europe (1972)

Un petit tour et puis s'en va

Il y a vingt-deux ans, le SCO disputait la coupe d'Europe contre le Dynamo Berlin. Après un nul à Angers, les partenaires de Jean-Marc Guillou s'inclinèrent de justesse au retour. Championne d'automne l'année suivante, la machine angevine tournait alors à plein régime. Témoignage d'un capitaine fidèle : Pierre Bourdel.

Biterrois d'origine, Pierre Bourdel est arrivé au SCO en 1963 après son passage au Bataillon de Joinville. « J'étais originaire d'une famille assez bourgeoise qui ne voyait pas d'un très bon œil mon orientation professionnelle. Tout le monde était contre moi et je me suis buté. D'ailleurs, le meilleur souvenir de toute ma carrière reste ma sélection en équipe de France contre l'URSS. Ce jour-là, j'étais remplaçant et je ne suis pas rentré mais j'ai quand même prouvé à ma famille que je n'avais pas fait un mauvais choix en optant pour le foot ».

Après une brève période d'adaptation, il gagne vite un poste de titulaire à Angers puis des galons de capitaine qu'il conservera pendant sept ans. Sept saisons durant lesquelles Bourdel cohabitera avec le meneur de jeu nommé Jean-Marc Guillou. « Je considère vraiment comme une chance le fait d'avoir joué avec lui. C'était la grande classe et on avait l'impression qu'il avait un élastique sur les chaussures ! Il a fait passer le plaisir avant l'affairisme et n'a jamais cherché à rentabiliser ses talents. Il s'amusait à l'entraînement comme dans les matchs ».

Une qualification à l'arraché

En 1972, à la suite d'un concours de circonstances assez heureux lors de la dernière journée de championnat (défaites de Lyon et de Saint-Etienne et victoire scoïste sur le Red Star obtenue à cinq minutes de la fin par un but d'Eric Edwige), le SCO obtient son billet pour la coupe de l'UEFA. « On ne s'y attendait pas du tout et on ne l'a d'ailleurs appris qu'en rentrant aux vestiaires. J'ai simplement dit au Docteur Kerjean : Vous vous rendez compte, vous voilà président d'un club qui va disputer la coupe d'Europe ! ».

Alors qu'il pratiquait un football de qualité, apprécié dans la France entière, le SCO avait du mal, paradoxalement à séduire ses exigeants supporters. La meilleure affluence de l'année (match contre Nantes) n'atteignit pas 13.000 spectateurs payants tandis que le leader Marseille n'attirait lui que 6.819 personnes.

Le 13 septembre 1972, ils ne furent d'ailleurs qu'un tout petit peu plus de 12.000 à assister, sous la pluie, au rendez-vous européen. Normalement, le SCO aurait dû disputer le match aller à Berlin devant un adversaire qui avait participé l'année précédente à la demi-finale de la coupe des coupes. Surestimant sans doute leur rival et craignant une désaffection populaire totale pour le match retour en cas de large succès berlinois, les dirigeants angevins acceptèrent d'inverser l'ordre des rencontres, ce qui ne provoque pas, loin s'en faut, l'enthousiasme de Pierre Bourdel. « J'ai appris cela en rentrant de vacances. Les dirigeants devaient penser que nous n'avions aucune chance de passer. Ils ont dû le regretter après ».

A Angers, après une première période assez terne, le SCO prit l'avantage sur un penalty de Jacky Lemée. Dix minutes plus tard, l'arbitre M. Gonzalès désigna le point de réparation pour une faute peu évidente d'Albert Poli. « Albert ne provoquait jamais de penalty. Le gars de Berlin a plongé et a bien joué le coup ».

Au match retour, Berlin domine dans un premier temps et semble mériter l'avantage d'un but obtenu, comme à l'aller, par son capitaine Peter Rhode. Cependant, grâce à son nouvel avant-centre Guy Lassalette, le SCO égalise à vingt-cinq minutes de la fin. Le reste de la partie est cependant plus délicat. « Antic s'est fait prendre le ballon à trente mètres de nos buts et ils ont marqué à nouveau. Et puis Jacky Lemée s'est fait expulser ».

L'aventure européenne se terminait un peu en eau de boudin. Elle n'empêcha cependant pas le SCO de réussir, trois saisons de suite, à se classer dans les cinq premiers du championnat entre 72 et 74, avant de connaître une cruelle désillusion l'année suivante avec une nouvelle rélégation qui marqua la fin de la grande époque du SCO et le terme de la carrière scoïste de Pierre Bourdel. En homme prévoyant, le capitaine angevin, dès l'âge de vingt-huit ans, avait prévu sa reconversion en exploitant un commerce. « Le SCO m'a permis de mener de front les deux activités. Cela m'a plus servi que de gagner des millions et des millions ». Aujourd'hui, le capitaine angevin a retrouvé son Hérault natal où il exploite des vignes avec son frère. Il ne joue plus du tout au foot même s'il continue à fouler les vertes pelouses une canne de golf en mains. « Récemment, je mangeais avec ma femme dans un grand restaurant sur la côte. Au moment de payer, le patron nous a offert le champagne et a refusé notre argent. Comme je m'en étonnais, il m'a dit qu'il était ramasseur de balle autrefois à Jean Bouin. Il estimait qu'on l'avait régalé sur le stade et que c'était donc à son tour de le faire ». Souvenirs, souvenirs...


Rhode le Berlinois et Bourdel l'Angevin, au moment de l'échange des fanions. C'était le 13 septembre 1972.


Sous le regard de Guillou (à gauche) et d'Antic (entre deux Berlinois), Jacky Lemée donne au SCO un avantage qui sera malheureusement de courte durée.

Benoît Blanchet

Merci à l'auteur, Benoît Blanchet, pour m'avoir fait parvenir cet article publié en 1994 dans le Courrier de l'Ouest.