BOURDEL : l'arbitrage et le bon sens

Cela devient de plus en plus rare de parler football avec... un footballeur professionnel. Non qu'ils soient tous muets ou dépourvus d'idées mais parce que la plupart d'entre eux ne veulent pas se « mouiller » comme on dit à la Bastille...

Or, j'en ai rencontré un, sans le chercher, sur la route des vacances, à Angers.

Il s'agit de Pierre Bourdel, capitaine... (au long cours puisqu'il a 33 ans) du S.C.O., équipe assez insolite puisque, avec un minimum de moyens, elle se permet de présenter le football le plus élégant de France.

Mais la question n'est pas là, c'est l'arbitrage qui nous intéressait, en l'occurrence.

Tout est parti du penalty « causé » par Bourdel à Marseille et aussi de l'exclusion de Skoblar à Lyon.

« Au stade-vélodrome, nous expliquait Bourdel, j'ai commis une faute pas très grave me semble-t-il, mais une faute tout de même. Soit. Mais Joseph Bonnel, un vieux « routier », avait commis la première, très adroitement, m'obligeant en quelque sorte à répliquer. C'est instructif. Or, voyez-vous, ce que je reproche le plus aux arbitres, dans la plupart des cas, c'est de sanctionner les effets sans presque jamais se soucier des causes.

Prenez le cas de Skoblar, en Coupe. Peut-on sérieusement penser que Domenech est blanc comme neige dans l'histoire ? »

« Je sais très bien que l'arbitrage est chose difficile ; il m'arrive parfois de tenir le sifflet à l'occasion de matches sans importance et j'ai été à même de m'en rendre compte. L'arbitre ne peut pas être infaillible, c'est certain, mais lorsqu'il ne voit pas une faute grossière dont presque tous les spectateurs se sont rendu compte, alors c'est grave.

Par exemple lorsqu'ils tiennent ou ne tiennent pas compte de l'avis de leur juge de touche, sans qu'on sache pourquoi.

Je crois qu'il est essentiel de créer des équipes de trois arbitres qui « tourneraient », chacun étant une fois au centre, puis ensuite, effectuant la touche pour son collègue. Il se créerait une unité qu'il n'y a pas actuellement chez les arbitres. Je crois d'ailleurs qu'ils en sont eux-mêmes partisans mais qu'ils se heurtent à des problèmes financiers.

Pourtant, la Fédération (et le Groupement) trouvent bien des fonds pour envoyer, dans toute la France, des délégués dont le rôle est quasiment nul, du moins quant au déroulement du match.

Un jour, il s'est produit un grave incident juste devant le banc de touche. Une fois de plus, le délégué n'avait rien vu. Ou n'avait rien voulu voir.

Alors, je lui ai demandé : « A quoi servez-vous ? »

— A compter les billets.

Et j'ai reçu un blâme...

Or, j'estime qu'un véritable délégué au match pourrait et devrait pouvoir jouer un rôle de témoin « assermenté », donc décisif dans des cas précis. Or, ce n'est presque jamais le cas.

Pour en revenir aux arbitres, ce que je leur reproche le plus, c'est le côté adjudant de la plupart d'entre eux.

Lorsqu'on s'adresse poliment à l'arbitre et qu'avant même d'avoir fini la phrase, on s'entend dire : « Taisez-vous ! », comment voulez-vous qu'on le respecte en tant qu'homme. Surtout lorsqu'on est, comme moi, capitaine de l'équipe ? Si la fonction doit consister uniquement à mettre un brassard, quelle utilité ?

C'est la raison pour laquelle j'aime bien être arbitré par M. Wurtz : d'abord, il suit l'action de très près, ce qui l'amène à voir mieux les fautes, intentionnelles ou non, et il parle avec nous. Il lui arrive même de reconnaître qu'il s'est trompé ; et on le comprend, c'est humain. »

Au fur et à mesure que parlait Bourdel, il nous semblait que toutes ces vérités étaient si évidentes qu'on se demande pourquoi... on en parle.

Robert VERGNE

Merci à France Football (8 mai 1973) pour l'article et à johnny rep pour le scan.