LE LEADER SURPRISE

Le S.C.O. a trouvé sa joie de vivre

ANGERS. — Depuis des années déjà, à Angers, on a une certaine idée du football, et même si les entraîneurs et les joueurs passent, le style demeure le même, chatoyant, très souvent efficace, sans pourtant chercher l'efficacité à tout prix.

C'est ce qui a d'ailleurs parfois coûté, dans le passé, quelques précieux points au SCO.

C'est qu'en fait l'équipe d'Angers est supérieurement « drivée ». On ne chamboule jamais rien ; on apporte quelques retouches par-ci, par-là, d'année en année, et ainsi la mue se fait sans heurts et les nouveaux joueurs qui apparaissent prennent tout naturellement la place et les habitudes de ceux qui sont partis. Le fait technique reste ainsi toujours égal à lui-même. C'est ce qu'on appelle la continuité.

Cette continuité se trouvera encore cette saison dans les pieds de Poli et de Guillou, ce milieu de terrain après qui bien des clubs soupirent. Poli et Guillou sont devenus de tels duettistes qu'ils ne se quittent plus, et sont même l'un à côté de l'autre dans les moindres circonstances, aussi bien dans les vestiaires que lorsqu'ils prennent le lunch d'avant match. Et, s'ils jouent aux cartes, eh bien, c'est l'évidence, ils font équipe !

Les deux hommes ont démontré dès mercredi soir qu'ils sont déjà partis pour une grande saison et qu'ils ont l'avantage d'évoluer devant une défense qui est restée la même avec toutefois ceci de nouveau : c'est que le Yougoslave Damjanovic qui fut, l'an dernier, absent pendant presque toute la saison à cause d'une hépatite virale particulièrement redoutable, a retrouvé l'essentielle place de stoppeur pour laquelle on était allé le chercher en Yougoslavie, sur la recommandation de Kovacevic.

Massif, plein d'allant, cet homme au profil de boxeur — il a le nez quelque peu cabossé — entend bien rattraper le temps perdu. C'est un défenseur à la grande technique et très offensif. Dès qu'il le peut, il file au but, et cela avec un tel art de mettre ses adversaires dans le vent que les dirigeants angevins en soupirent d'aise.

A vrai dire, l'an dernier, ils n'avaient pas eu le temps de l'apprécier. Aujourd'hui, ils le redécouvrent et lui, il recommence à apprendre le français.

« Car, dit-il, à peine avais-je commencé à savoir quelques mots de votre langue que je repartais pour mon pays me faire soigner. Alors, j'ai tout oublié là-bas. »

Aujourd'hui, il en sait quand même assez pour servir d'interprète à son compatriote Antic qui est, avec Lassalette, le seul sang nouveau de cette équipe d'Angers.

Ainsi donc, quelques petites retouches de détail dans cette formation du SCO qui, pour la première fois, va connaître une aventure européenne, et quelle aventure ! puisque l'adversaire des Angevins en Coupe de l'U.E.F.A. sera Dynamo de Berlin, deuxième de son Championnat.

Antic est un gaucher impénitent dont la technique est remarquable et il est très rapide. Son action n'est pas encore constante, mais il n'en paraît que plus dangereux. D'ailleurs, depuis qu'il joue avec Angers, et notamment durant la tournée à La Réunion, il a pris l'habitude de marquer à chaque match. Angers a peut-être eu la main très heureuse en prenant ce garçon — le second de Djazic en Yougoslavie — pour remplacer Yvan Roy, parti pour Strasbourg.

Quant à Guy Lassalette, l'autre recrue, son jeu court, précis, parfois foudroyant, s'est tout de même bien marié avec la manière angevine. Lassalette, en effet, remis sur pied après de nombreuses blessures et opérations au genou qui l'ont handicapé pendant plus d'un an, semble être enfin tombé dans son élément.

Et pendant la tournée d'Angers à La Réunion, la verve de « Guitou » a donné des regrets à l'entraineur de Nîmes, Kadder Firoud, qui aurait bien voulu bénéficier des services de celui qui, la saison dernière, dans les rangs d'Angoulême, contribua à l'élimination... d'Angers en 32e de finale de la Coupe de France !

A Angers, Lassalette a retrouvé la joie de vivre et, avec beaucoup de plaisir aussi, Jacky Lemée et René Gallina, deux hommes avec qui il avait remporté une grande victoire en Espagne sur les Espoirs espagnols, en 1967, avec une équipe alors entraînée par Henri Biancheri (qui débuta sa carrière à... Angers).

Voilà qui resserre encore plus les liens qui unissent, sur le terrain comme en dehors de celui-ci, les joueurs d'Angers qui, plus que jamais, forment une bonne bande de copains qui, cette saison, pourraient peut-être faire encore un peu mieux que la saison passée.

« Surtout en Coupe de France, explique l'entraîneur Nagy, car depuis que je suis à Angers, nous n'avons jamais dépassé les 32e de finale. J'aimerais voir mieux ! »

Et on peut voir mieux, en effet, car les arrivées d'Antic et de Lassalette ont permis de remodeler la ligne d'attaque et Eric Edwige, qui entame sa dernière saison au SCO, occupe maintenant, avec le numéro 10 sur le dos, un poste qui semble lui aller à ravir. En effet, cet excellent technicien, par ailleurs très rapide et plein de vivacité et de prestesse, aura maintenant dans l'équipe un rôle essentiel « plus au cœur de la mêlée » pourrait-on dire, puisqu'au lieu d'être un ailier plus ou moins faux — c'est-à-dire toujours axé entre deux choses — il sera un second avant centre avec comme simple consigne de venir renforcer le milieu de terrain en cas de perte du ballon et d'être finalement l'avant le plus en pointe lorsque l'équipe a récupéré la balle.

Mercredi, contre Ajaccio, Edwige a démontré que ce rôle lui convenait à merveille et, après avoir, d'un cheveu,, manqué plusieurs buts, il devait inscrire le quatrième lorsque précisément il se trouvait aux avant-postes.

Du coup, Gaidoz est redevenu ailier, comme lorsqu'il jouait à Reims ou à Valenciennes. Mais cela n'est pas pour le dépayser puisque pendant sept ans il occupa ce poste. Bref, l'attaque angevine, avec ses joueurs interchangeables, parait prêt pour pratiquer un remarquable tourbillon, et cela pour la plus grande joie du capitaine Pierre Bourdel, ce Bitterrois devenu Angevin de cœur et qui n'a jamais paru aussi jeune et plein d'allant qu'en ce début de saison.

Est-ce parce qu'il a débuté comme ailier ou inter ? On ne sait. De toute façon, Bourdel, dont on avait annoncé le départ d'Angers, est un arrière ultra moderne toujours à la pointe de l'offensive, ce qui fit dire, mercredi soir, à l'Ajaccien Latour : « Celui-là, il oblige l'ailier gauche adverse à jouer arrière ! ».

C'est que Bourdel aimerait bien qu'on cesse de dire que son équipe manque d'ambition. Il est d'un tempérament assez explosif, mais cela commence à lui porter sur les nerfs. Alors, il va de l'avant pour donner l'exemple.

En bon capitaine qui sait qu'il a sûrement une fameuse carte à jouer.


Bourdel : un arrière ultra-moderne.

Victor PERONI

Merci à France Football (15 août 1972) pour l'article et à johnny rep pour le scan.