L'avis des responsables du SCO

ANGERS.- Le S.C.O. d'Angers est pour d'aucuns un mal nécessaire, pour d'autres une institution, pour d'autres encore, un abcès qu'il faut crever. Même si les défenseurs de la dernière affirmation sont les moins nombreux, il nous est apparu intéressant de faire une enquête auprès de gens qui sont touchés, de près ou de loin, par le phénomène football à Angers.

Dans un premier temps, il nous a semblé normal de donner la parole aux principaux responsables du football angevin. Ils ont répondu à nos questions en jouant le jeu, c'est-à-dire sans se concerter.

Notre prochaine édition fera état des idées de personnalités du département. Ensuite, les responsables du football amateur donneront leur avis et dans une édition suivante, les personnes habituées du stade Jean-Bouin auront, à leur tour, l'occasion de s'exprimer.

Sans doute était-il délicat de faire, en dix questions, le tour du problème. Nous nous sommes pourtant astreints à ce travail auquel les personnes intéressées pourront apporter des précisions en écrivant à notre collaborateur : Jean-François Contamine, rédaction sportive du « Courrier de l'Ouest », boulevard Albert-Blanchoin, les Maulévries 49000 Angers.

Si vous avez des questions à poser aux dirigeants ou aux cadres techniques du S.C.O., ou même aux joueurs, vous pourrez le faire par notre intermédiaire. Les intéressés vous répondront dans notre journal.

Voici les questions :

1 — Pensiez-vous, en juin 1977, que le S.C.O. serait capable de retrouver sa place parmi l'élite un an plus tard ?

2 — Au soir du 27 mai 1978, la montée était acquise. Quel a été votre sentiment et qu'avez-vous alors pensé ?

3 — Estimez-vous que la municipalité se devait de soutenir un club de football professionnel de 1re Division à Angers et dans quelle mesure ?

4 — Compte tenu de cette aide, êtes-vous pour la décision du S.C.O. de lancer une souscription populaire ?

5 — Le S.C.O. étant le club-phare de l'Anjou et pas uniquement d'Angers, quel concours devrait, à votre avis, apporter le Conseil général ?

6 — Selon vous, quelles peuvent être les relations entre l'équipe professionnelle du S.C.O. et le football régional ?

7 — A l'heure actuelle, l'effectif dont dispose le club répond-il à vos espérances ? Pourquoi ?

8 — Croyez-vous que les Angevins apportent au S.C.O. un soutien identique à celui dont bénéficient les autres clubs pro ?

9 — Ce soutien est-il conditionné par le résultat ou le spectacle ?

10 — Qu'attendez-vous de cette saison ?

JEAN KELLER

1 — Le S.C.O. ne pouvait avoir d'autre objectif. C'était une question de vie ou de mort du club. Même s'il était inquiet, le président se devait d'afficher un optimisme à toute épreuve.

2 — J'ai éprouvé une grande joie, un soulagement. Un sentiment de fierté pour les joueurs et le public. Mais je savais que c'était le commencement d'autres responsabilités, un mur à sauter.

3 — J'ai toujours fait en sorte que nos élus municipaux soient engagés dans cette remontée pour que leur aide ne soit pas remise en cause. Je n'ai pas été déçu par leur décision et leur appui.

4 — L'équipe du S.C.O. est celle de toute une population privée pendant un an de matches à la hauteur de notre ville. Des efforts à tous les niveaux sont indispensables et je suis sûr que les Angevins, mis dans les meilleures conditions, vont répondre massivement à la souscription. Reste à définir mieux encore la façon de les faire participer.

5 — Les statistiques prouvent que le département est motivé par une équipe de Première Division. Deux tiers des spectateurs sportifs viennent de tous les cantons de Maine-et-Loire. Pour la renommée de notre région, le Conseil général devrait nous appuyer par l'intermédiaire d'une subvention cette année tout au moins. Il suivrait ainsi l'exemple de leurs collègues de bien d'autres départements.

6 — Le S.C.O. doit s'intégrer dans le milieu sportif de notre département par des visites et même des parrainages de club. Il faut faire passer le courant. Les joueurs ne doivent en aucun cas être des intouchables, mais des relais.

7 — L'effectif dont dispose le club est bon, mais insuffisant pour une saison en Première Division. Certains postes doivent être renforcés pour pallier à des défections toujours possibles. Là, nous touchons la partie financière qui n'est pas l'élément le plus fort de notre club.

8 — Nous devons chercher la possibilité d'un appui de supporters inconditionnels capables d'apporter les encouragements dont une équipe a besoin. Les Angevins doivent prendre conscience de l'éfficience de l'aide apportée par un club des supporters structuré et efficace.

9 — Je crois fermement que le soutien amène le résultat. C'est ce qui est important. Pour l'obtenir, les joueurs doivent se sentir entourés et soutenus dans leurs efforts.

10 — Nous allons entamer une saison de transition. Tout le monde devra faire le maximum : entraîneurs, joueurs et dirigeants. Je souhaite que nous nous comportions de manière à nous maintenir en bonne place et que nous réalisions quelques matches exceptionnels pour nous préparer à la saison suivante.

PIERRE BOURDEL

1 — Oui, je le pensais. Bon nombre de joueurs avaient l'expérience de la première division et connaissant parfaitement l'écart qui existe entre les deux divisions, j'ai toujours cru que le S.C.O. remonterait.

2 — Ma première idée a été qu'il allait être difficile de se maintenir. Je n'oubliais pas que la montée avait été acquise difficilement, avec l'aide de Besançon qui a craqué lors des dernières rencontres. J'ai pensé que c'était une très bonne chose pour la ville d'Angers, au moment où bien d'autres voudraient compter une équipe parmi l'élite de notre football. Je me suis dit aussi que si les spectateurs suivaient aussi assidûment les rencontres de championnat que le match S.C.O.-Béziers, le club en tirerait profit.

3 — La municipalité est obligée de jouer le jeu. Le S.C.O. est le club phare de la ville et de la région et le sport de masse ne peut être florissant que si le sport d'élite existe. En outre, je ne connais pas une autre activité sur la ville qui attire autant de monde le même jour. Et puis le S.C.O. est devenu une institution. Je ne vois pas quelle municipalité pourrait la détruire.

4 — Oui, je suis favorable à la souscription. Si le public veut continuer à avoir de belles soirées, il doit soutenir le S.C.O. qui ne peut pas se contenter de la seule subvention municipale. L'argent ne sera pas dilapidé, le public doit le comprendre.

5 — Je crois que le Conseil Général devrait soutenir le S.C.O. comme le fait la Mairie d'Angers, par exemple, en lui allouant une subvention valable, quitte au S.C.O. à avoir une politique de décentralisation.

6 — Ces relations doivent être effectives. Il ne doit pas y avoir de phénomène de rejet, ni d'un côté, ni de l'autre. Mais une confiance réciproque et un travail en commun. Il faut multiplier les réunions entre les dirigeants du S.C.O. et les dirigeants des clubs amateurs, créer des cellules pro-S.C.O., envoyer les joueurs pour des écoles de football productives ne se résumant pas à des apparitions inefficaces et sans lendemain. En fait, il faut faire du S.C.O. l'équipe de la région.

7 — L'effectif ne correspond pas à mes espérances. Vu les moyens dont nous disposions, nous ne pouvions cependant guère faire mieux. Je compte sur les joueurs pour qu'ils se surpassent en espérant que ce sera suffisant.

8 — Le public angevin est difficile, connaisseur, pas suffisamment supporteur. Il a été trop gâté pendant une période. Il a perdu son équipe et pour en retrouver une équivalente, il faut qu'il vienne au stade soutenir les gars... sans attendre le dernier match comme ce fut le cas la saison dernière.

9 — Le soutien du public est conditionné par le résultat. Mais si le club réalise des performances, le spectacle sera de qualité car en football, le spectacle c'est de faire trembler les filets. Cette année, je crois qu'il faut s'attendre à ce que l'efficacité prime.

10 — Mon attente est simple : voir l'équipe se maintenir en première division, c'est tout. Les joueurs vont tout faire dans ce sens, je peux le certifier aux spectateurs éventuels.

ROGER BELO

1 — Oui, mais je savais que le chemin serait long et rempli d'embûches. Le club qui redescend en seconde division doit à la fois surmonter sa déception et la motivation de l'adversaire. Cela pouvait permettre à un outsider bien organisé de ravir la première place au S.C.O.

2 — J'ai éprouvé un premier sentiment de satisfaction allant directement à nos garçons qui avaient traversé tous ces périples. Mais j'ai aussi pensé à une certaine insuffisance à laquelle il allait falloir pallier pour éviter « l'ascenseur ». Si nous devions nous retrouver en seconde division pour la troisième fois en six saisons, cela ne pardonnerait pas, le football professionnel à Angers aurait vécu.

3 — Oui bien sûr. La ville d'Angers doit, comme les autres, soigner son image de marque par l'intermédiaire de son équipe de football de haut niveau qui permet son signalement tous azimuts. En outre, l'existence même de cette équipe donne la possibilité aux habitants de s'évader des soucis quotidiens. Pour eux, rien ne serait plus grave qu'une ville morte. Quant à la mesure, je crois qu'elle doit représenter le maximum des possibilités de la ville. Mais je précise que cette aide ne doit pas être la seule et que c'est la participation de tout un ensemble qui permettra d'atteindre les plus hauts niveaux.

4 — Pour les raisons que je viens d'énoncer, je suis bien évidemment favorable à l'idée maintenant matérialisée de la subvention populaire.

9 — A ce propos, le Comité Directeur, par l'intermédiaire du président Keller, a lancé les bases d'une organisation que nous mettrons sur pied à la rentrée. Nous ne manquerons pas de vous tenir au courant à ce moment là. Le Conseil Général devrait alors être sensible et soutenir l'équipe professionnelle du S.C.O. comme il se doit.

6 — Les relations ne peuvent être que bonnes. Il ne peut pas en être autrement... bien que cela n'ait pas été toujours le cas dans la mesure où le travail de chacun est toujours d'atteindre le maximum de ses possibilités. Le mérite de tous les dirigeants est le même. Ils donnent tous leur temps, voire leur argent. Mais il reste évident que les clubs amateurs doivent servir les intérêts des clubs professionnels dont le but est de sélectionner les meilleurs jeunes.

7 — Non, l'effectif ne me satisfait pas car nous n'avons pu faire que cinquante pour cent du recrutement susceptible d'apporter ce qui manque à notre potentiel actuel. Nous recherchons encore, mais il faut dire ce qu'il en est exactement, nous ne pourrons conclure que sur des bases saines.

8 — Je ne crois pas. Il y a une insuffisance que l'on peut imputer au fait que l'équipe évoluait la saison dernière en seconde division. Les rencontres du mardi et du vendredi pourraient apporter une solution cette saison.

9 — Dans tous les cas, le soutien est conditionné par une dominante : le résultat. Sans cela, vous ne pouvez rien bâtir. Mais pour autant, la manière ne doit pas être négligée, mais au contraire améliorée sans cesse.

10 — J'attends bien entendu beaucoup de cette saison qui conditionnera l'avenir du club.

AIME MIGNOT

1 — Compte tenu de la descente en Seconde Division qui entraînait des difficultés financières, l'effectif avait été réduit de huit éléments dont quatre titulaires de l'équipe professionnelle. Dans ces conditions, le retour en Première Division m'apparaissait plus que problématique, bien que vital.

2 — J'ai pensé que nous devions cette remontée au sérieux et à l'enthousiasme d'une quinzaine de garçons qui n'avaient eu que ce but en tête tout au long de la saison. Elle venait d'être acquise difficilement, quelquefois sans panache, mais le but était atteint et il ne s'agissait pas de faire la fine bouche. De même, je me suis dit que de grosses difficultés surgissaient au même moment et qu'il allait falloir jouer pour se maintenir la saison suivante.

3 — Ce n'est pas spécial à Angers que la municipalité soutienne le football professionnel. Il est bien évident que les disponibilités des municipalités dépendent de l'importance de la ville à gérer. On ne peut jamais s'estimer satisfait d'une subvention, mais il ne faut pas uniquement compter sur celle-ci.

4 — Je pense que cette décision a été prise par les dirigeants pour sonder l'attachement des Angevins au S.C.O. J'espère que la souscription sera importante, car je pense que le public doit être partie prenante de son équipe professionnelle de football, car comme dans les autres sports, il faut une locomotive pour faire avancer les wagons.

5 — Un club professionnel de football étant en général non seulement l'émanation d'une ville, mais de toute une région, je pense que le Conseil Général devrait faire un effort pour aider au maintien d'une équipe professionnelle dans sa zone d'influence.

6 — L'équipe du S.C.O., je l'ai dit, est le phare de toute la région. Elle doit bien évidemment, dans la mesure de ses moyens, être mise à la portée des clubs amateurs de la région, vivre en bonne intelligence avec eux, pour pouvoir, par la suite, recueillir en son sein les meilleurs footballeurs régionaux. Ainsi, elle peut vraiment devenir l'équipe représentative de la région. Voilà l'idéal. Comme tout idéal il est difficile à atteindre.

7 — Un entraîneur ne peut jamais se satisfaire de l'effectif mis à sa disposition. Mais compte tenu des possibilités financières du S.C.O., je pense que nous avons recruté au mieux. Bien sûr, si le besoin s'en faisait sentir, il serait envisagé — comment, je ne le sais pas — de renforcer encore cet effectif.

8 — Tous tes publics des stades de France veulent voir leur équipe faire des résultats et occuper un rang honorable dans le championnat. Cela est normal. Mais il est tout aussi évident que nous avons besoin de beaucoup d'amis et de supporters lors des rencontres au cours desquelles, pour une raison quelconque, le résultat est difficile à obtenir. Je sais que cela est difficile, mais ce n'est qu'à ce prix que votre équipe se maintiendra en Première Division.

9 — Le football étant avant tout un sport et, qui plus est, un sport avec adversaires, il est souvent très difficile de concilier résultat et spectacle. L'équipe du S.C.O. s'efforcera au maximum de concilier les deux pour donner aux Angevins des matches les plus intéressants possibles. Le soutien de notre public sera très important lors des matches où cette résolution sera applicable.

10 — Comme toujours à l'orée d'une saison, on l'espère la meilleure possible. J'espère de tout mon cœur qu'en juin 1979, le S.C.O. sera toujours parmi les grands du football français. Je vais faire tout ce qui est possible pour atteindre cet objectif.

KAREL MICHLOVSKY

1 — Je connaissais bien la plupart des joueurs étant donné qu'ils avaient pratiqué avec moi en 3e Division pendant deux ou trois ans. Compte tenu de leur valeur de footballeur, je croyais que l'équipe, avec l'appoint de garçons comme Amersek et Cassan, avait 70% de chance de remonter.

2 — J'étais très content, comme la grande majorité des gens qui s'intéressent au football. L'équipe du S.C.O. avait retrouvé l'élite et je me suis réjoui aussitôt car les supporters allaient pouvoir assister à des rencontres de qualité supérieure.

3 — Je crois que la municipalité doit s'intéresser de très près au S.C.O., ne serait-ce que pour le renom de la ville. Il y a tout de même un minimum de 5 à 6.000 personnes, ce qui n'est pas assez, au stade Jean-Bouin lors de chaque rencontre. [...] municipalité verse au S.C.O. est raisonnable tout en restant insuffisante.

4 — Je pense sincèrement que les dirigeants ont eu tout à fait raison de lancer une souscription qui peut aider efficacement à mettre sur pied la meilleure équipe possible à Angers.

5 — Le S.C.O. rayonne sur toute la région et le Conseil général doit s'intéresser de beaucoup plus près à la vie du club. Parmi les 6.000 personnes qui viennent au stade, on peut penser que 30% d'entre elles viennent de l'extérieur d'Angers. Le rôle que le Conseil général doit assumer doit donc être très positif.

6 — Il convient d'étendre les relations jusqu'ici très restreintes pour que les clubs amateurs s'intéressent à la vie du S.C.O. et soient mieux informés. Des visites fréquentes des joueurs professionnels dans les clubs de Maine-et-Loire peuvent susciter l'intérêt des dirigeants et des jeunes joueurs. Ces derniers seraient donc à même de tenter leur chance au S.C.O. avec l'accord de leurs dirigeants.

7 — Chaque responsable d'équipe aimerait disposer d'un effectif assez pléthorique et compter parmi celui-ci les meilleurs joueurs. Je crois que si un ou deux très bons joueurs venaient s'ajouter à ceux qui portent actuellement les couleurs du S.C.O., ils apporteraient ce qui nous manque. Dans de telles conditions, le club pourrait effectuer une saison satisfaisante pour les responsables et pour tous les sportifs de l'Anjou. Je crois que ce problème concerne tout le monde.

8 — Non, je ne le crois pas. J'ai côtoyé tous les stades de France et j'ai la nette impression, la certitude même, que les supporters des autres équipes sont beaucoup plus près de leurs joueurs.

9 — J'aurais tendance à dire par les deux. Mais le football c'est d'abord et avant tout un sport. Donc il faut des résultats. Le spectacle peut commencer lorsque le résultat est acquis. C'est à ce moment-là que le public peut avoir une double satisfaction : celle de voir son équipe gagner et celle de satisfaire le plaisir de ses yeux. Moi, je suis pour le beau jeu. Il y a une vingtaine d'années, nous sommes montés en 1re Division avec le S.C.O., grâce à cela.

10 — Etant donné nos moyens assez limités, l'objectif numéro un, je crois, ne peut être que de rester parmi l'élite et de préparer la prochaine saison. Il y a quelques jeunes qui sont dans l'antichambre qui peuvent d'ores et déjà, rendre des services intéressants et qui pourront par la suite prendre le relais.

Merci au Courrier de l'Ouest (juillet 1978) pour l'article et à cris72 pour les scans.