LES AVATARS DE L'HEXAGONE

ANGERS. — Une œuvre de salubrité publique vient d'être réalisée, samedi soir, à Angers. Le phénomène des masses, mobilisant autour du nom et du prestige de l'équipe de St-Etienne des millions de personnes subjuguées par le pouvoir de la télévision, a reçu un vigoureux coup d'arrêt. Piazza, affublé de tous les superlatifs trois jours plus tôt en coupe d'Europe, ce même Piazza se faisait jongler littéralement au stade Jean-Bouin par Barthélémy, titulaire de la semaine [ndlr, saison] passée d'une équipe de division d'honneur de la Ligue du Lyonnais. Lopez, qu'on ne passe jamais, cafouillait tant et plus. Le milieu du terrain sans arbre de direction (Larqué) et sans changement de vitesse (Synaeghel) peinait.

Et malgré tous ses efforts, le moteur (Bathenay) tournait à vide face à l'aisance et à l'à-propos du trio angevin Cassan-Ferri-Boskovic. Ramenée aux modestes proportions d'une équipe placée à la quinzième place du championnat de première division, la formation d'Herbin, qui avait du pallier en dernier ressort la défection de Janvion, recevait une belle et dure leçon d'humilité.

DES QUESTIONS POUR UN CONTEXTE NATIONAL

Sans mésestimer le moins du monde la performance des Angevins, résolus en défense et particulièrement adroits et inspirés dans l'entre-jeu comme en attaque, on ne manquera pas de poser plusieurs questions :

1) St-Etienne dispose-t-il de réserves de valeur ?

2) Le sur-régime imposé par la coupe d'Europe n'use-t-il pas les organismes et n'érode-t-il pas les ambitions hexagonales ?

3) Le système imposé par Herbin, à savoir le quadrillage du terrain en vue de boucher tous les accès au but de Curkovic ne conduit-il pas au nihilisme offensif. Et que fait Rocheteau dans cette galère ?

Comme pour un matraquage publicitaire, St-Etienne a bénéficié d'un formidable tir groupé de tous les moyens de communication de masse depuis deux ans. On peut aujourd'hui se demander si l'heure de vérité ne va pas sonner.

Certes, le Bayern connut exactement la même situation à la même époque en Bundesliga, la saison passée, avant de terminer en beauté. Mais si on oubliait, par hasard, le nom de St-Etienne pour reparler simplement du quinzième du classement, le calendrier montre que, au cours des dix premières journées du championnat, il a affronté le seizième (Valenciennes) et le dix-septième (Troyes). Résultat : égalité. Il fut battu à Lille, l'actuel dix-neuvième. Et ses deux seules victoires de la saison furent obtenues face à Sochaux (18') et Rennes (20') au stade Geoffroy-Guichard.

LA DEMI-HEURE ANGEVINE

Les préoccupations des champions de France tranchaient, samedi, après la rencontre, avec la joie des Angevins qui réalisaient une première période magnifique ponctuée de quatre buts de grand style. Les deux premiers furent amenés dans des conditions similaires sur l'aile droite. La première fois, Barthélémy permit à Lech, pressé par Santini (ou l'inverse si l'on préfère), d'ouvrir la marque (10'). La seconde, Ferri ajusta pour Cassan une balle que Lopez détourna en vain pour suppléer Curkovic pris à contrepied (25'). Barthélémy qui se vit justement refuser un but pour hors jeu (23') se vengea sept minutes plus tard en profitant d'un centre fuyant de Boskovic qui multipliait les doubles démarrages sur l'aile droite. Piazza, décidément bien malheureux, trébucha. Le jeune avant-centre angevin contrôla le ballon, fixa Curkovic et décocha un tir stupéfiant de force et de précision (35').

Edwige allait être ensuite l'auteur de deux actions de bonne facture. La première fois, il frappa si fort et le ballon roula sur les filets de telle façon que M. Konrath indiqua le centre du terrain (41'). Erreur. Le ballon n'avait pas pénétré dans le but. Cela survint deux minutes plus tard pour la quatrième fois en faveur des Angevins. A l'origine, Edwige, qui permit à Lech de catapulter la balle dans les buts de l'infortuné Curkovic. Un cinquième but aurait crucifié Curkovic (79'), le coup de tête de Barthélémy, décoché des vingt mètres, rebondit sur la barre transversale. Toutes ces actions angevines témoignaent d'une vitalité surprenante. Tous les efforts consentis allaient se faire sentir en seconde période. Les Angevins furent alors à la peine face à une équipe stéphanoise pressante, mais manquant de spontanéité. Repellini expédia un bolide sur le poteau (76'), après avoir obligé Fouché à un excellent réflexe du pied (61'). Mais il fallut deux coups de pied arrêtés, encore une fois, pour permettre aux Stéphanois de réussir des buts. Tout deux obtenus sur corner, l'un presque au début du match. Et c'était l'égalisation grâce à la tête de Larios (14'). Et l'autre, dans les ultimes secondes par Farison sur cafouillage (90').

Le manque d'efficacité des Stéphanois peut s'interpréter d'une autre manière lorsqu'on comptabilise les corners. Ils obtinrent seize corners et n'en concédèrent que deux. Mais au tableau d'affichage...

Michel BIHAN


Article Ouest-France. Feuille de match et résumé France-Football. Scans cris72.