PATRICE LECORNU

ANGERS. - Du balcon de l'appartement dont Patrice Lecornu va prendre possession aujourd'hui, le regard plonge sur le terrain d'entraînement du S.C.O. Angers. « On en bave quelquefois cette saison, soupire-t-il, mais pour rien au monde, je ne voudrais changer de métier. »

Et pourtant, il fallut le pousser pour entrer dans la carrière. Pas chez lui, dans une petite bourgade de l'Orne où son père fut président du club local. Mais aux PTT Caen où l'entraîneur Michel Ade recevait coup de téléphone sur coup de téléphone concernant l'avenir de son protégé. Une vingtaine de clubs professionnels se manifestèrent.

A dix-sept ans et demi, le jeune espoir qui avait découvert le milieu par le biais de la sélection nationale junior était plutôt réticent.

« Je ne me sentais pas à l'aise dans cette ambiance. Tout le monde chambrait. » A l'en croire, il faillit bien se contenter de son emploi de postier et de son temps de loisirs dans l'équipe de 3e division. Déjà, il avait failli donner sa préférence à un club de D.R.H., Flers-de-l'Orne, parce qu'il était plus près de St-Clair-de-Halouze.

Plutôt que Nantes, St-Etienne, Marseille ou... Angers, il donna sa parole au Red-Star, alors en 2e division.

« Je n'ai jamais voulu brûler les étapes » avance-t-il comme explication à cette modestie dans le choix. Il voulait progresser en jouant plutôt que de faire banquette dans un ensemble plus huppé.

« Et c'est là, avec Lemerre, que j'ai découvert ce qu'était le professionalisme. »

Le Red-Star disparu dans les oubliettes de la compétition de haut niveau, la ronde des recruteurs reprit. Roger Belo sut se montrer le plus convaincant.

Diversion et... conclusion

Militaire, la saison passée, il ne put extérioriser totalement ses dons de dribbleur de charme qui plaisent tant au public. Comme il sait s'analyser et même s'autocritiquer, il nous avait prévenu :

« C'est ma façon de jouer, par à-coups et il n'est pas sûr que je sois plus constant une fois le Bataillon terminé. »

En effet, alors que l'équipe angevine paraît transformée cette saison « nous avons confiance en toute occasion, maintenant » explique-t-il, lui-même n'a pas réussi un départ sur les chapeaux de roue.

Que se passe-t-il, lui avons-nous demandé sans la moindre gentillesse, on a l'impression que l'action se termine une fois l'adversaire direct éliminé. « Je sais, c'est le gros reproche que l'on me fait et que je me fais. Mais, je ne suis pas du tout attiré par le but. D'ailleurs, je ne tire presque jamais. »

Serait-ce la griserie des applaudissements destinés au matador qui lui couperait l'envie de l'efficacité ? « Ah ! non, pas du tout ! »

Il faut bien déboucher sur quelque chose. Le meilleur cuisinier ou le meilleur artiste du monde ne l'est plus, s'il cache sa production.

Pour l'attaquant, le but d'en-face reste l'objectif. On lui parle de Rocheteau qui s'est mis à bouger, à permuter quand il a été convaincu de ne plus rien conclure. « Oui, mais il ne dribble plus ! » Allons bon, Patrice Lecornu restera-t-il un séduisant ailier de diversion.

Il fut très bon avec les Espoirs en Suède, mais Hidalgo ne semble pas pressé lui non plus de lui demander de réussir le grand pas qui mène en sélection A.

Le 10 octobre, il découvrira l'Albanie où les Espoirs se produiront. Mais en 1982, il n'aura que 24 ans. D'ici là, il peut franchir un à un les paliers qu'il semble se fixer avec patience et malin plaisir.

Michel BIHAN

Merci à Ouest France pour l'article et à cris72 pour le scan.