Jean-Marc GUILLOU

FRANCE - ROUMANIE 1974

Le 23-03-1974, Paris (Parc des Princes, 20224 spectateurs)
Match amical
Arbitre : M. HOMEWOOD John (Angleterre)
FRANCE 1 - 0 (0 - 0) ROUMANIE
1:0 Bereta (59), coup franc indirect donné par Michel, à l'angle droit de la surface de réparation.

FRANCE :
BERTRAND-DEMANES Jean Paul (F.C. Nantes)
VANUCCI Albert (F.C. Sochaux-Montbéliard)
ADAMS Jean-Pierre (O.G.C. Nice)
TRÉSOR Marius (Olympique de Marseille)
BRACCI François (Olympique de Marseille)
MICHEL Henri (F.C. Nantes)
CHIESA Serge (Olympique Lyonnais)
GUILLOU Jean-Marc (S.C. Ouest Angers)
DALGER Christian (A.S. Monaco) puis 57 REVELLI Patrick (A.S. Saint-Etienne)
REVELLI Hervé (A.S. Saint-Etienne) puis 82 BERDOLL Marc (S.C. Ouest Angers)
BERETA Georges (A.S. Saint-Etienne)

ROUMANIE :
RADUCANU Necula
ANGHELINI Teodor
ANTONESCU Dumitru
DINU Cornel
CRISTACHE Gheorghe
BELDEANU Aurica
BALACI Ilie
IORDANESCU Anghel puis 76 SANDU Mircea
TROI Radu puis 71 MARCU Dumitru
DUMITRACHE Florea
KUN Attila

S. Kovacs fait jouer la sélection en 4-3-3 avec deux ailiers (Bereta étant replacé à son poste d'origine), Guillou ayant un rôle mixte de relayeur/meneur de jeu. En défense, avec la rentrée de Trésor, Adams retrouve son poste de stoppeur.

Merci à la FFF pour la fiche technique.

il était une fois Guillou

Cette chance, pour Guillou arrive enfin au sortir de l'hiver. Le S.C.O. Angers, son équipe, talonne Saint-Etienne et Nantes en tête du championnat. Avec son compère Poli, dont on croit qu'il est son frère jumeau, Jean-Marc poursuit son bonhomme de chemin. Sans bruit, sans déclaration tonitruante, en toute liberté. Quand Kovacs l'appelle pour jouer contre la Roumanie, il dit simplement : « Si j'avais été sélectionneur, je n'aurais pas sélectionné Guillou avant cette année. » Et il ajoute, froid comme le marbre : « mon sentiment est qu'une sélection ne peut faire du bien qu'à un joueur qui doute. Elle est une occasion de se surpasser ou de vaincre quelque chose, même si c'est seulement le trac. Moi, je ne doute plus et je n'ai plus le trac. J'ai atteint mon but qui était de me trouver bien dans ma peau. »

Pour préparer le match de l'équipe de France contre ses compatriotes roumains, Stefan Kovacs a conclu, quatre jours auparavant à Lille, une rencontre amicale face au champion de Belgique, Anderlecht. Il sait, chacun sait, que ce ne sera pas une fête, l'équipe belge étant l'une des meilleures d'Europe. Effectivement, ce n'en est pas une : non seulement, l'équipe de France est nettement battue (0-2) mais encore excède-t-elle les 12574 spectateurs par sa mièvrerie, voire son incohérence. « Je tenais absolument, conclut Kovacs avec humour, à ce que nos joueurs prennent la mesure d'un adversaire coriace. Je crois que de ce côté-là, ce fut une réussite. A leur décharge, je dois dire que le premier but encaissé a dû leur couper les jambes mais, d'une manière générale, notre équipe a été faible autant dans la vision du jeu que dans la puissance. »

Heureusement, il y a eu Guillou qui a apporté ce qu'on attendait de lui : la clarté, la sûreté de passes et la présence.

Après le match de Lille, Kovacs procède à trois retouches. Il remplace Baratelli par Bertrand-Demanes, Grava par Vanucci (Sochaux) et Patrick Revelli, à l'aile droite, par... le Monégasque Dalger. Il reste ainsi fidèle à sa légende de sorcier mais il faut bien dire que cette dernière expérience ne sera pas couronnée d'un plein succès.

L'équipe roumaine, éliminée de la Coupe du Monde dans le groupe IV (Allemagne de l'Est, Finlande, Albanie), n'est pas de celles qu'on piétine et ridiculise. Elle est solide, expérimentée et elle compte, avec Dinu, Dumitrache, Iordanescu, plusieurs footballeurs de valeur.

L'équipe de France, là encore, ne joue pas un grand match en ce 23 mars printanier, doux comme une jolie fille. Le début est plaisant, animé juste ce qu'il faut pour ne pas être décevant, et d'une honnête valeur technique. Mais il manque à la fois de rythme, d'intensité de fond et d'envergure. C'est le défaut majeur de nos joueurs, souligné par Kovacs : notre sélection manque de rythme collectif, c'est-à-dire de vitesse dans les combinaisons, notamment à l'approche du but adverse. Serge Chiesa se voit offrir une superbe occasion à la 21e minute, quand il reçoit un centre de la droite adressé par Bereta et que Revelli a laissé filer. Le petit Lyonnais, surpris peut-être, tire tout de suite, du plat du pied, alors qu'il avait le temps de placer tranquillement sa balle. Celle-ci ne fait que frôler la cage.

Hervé Revelli, par l'un de ses jaillissements au premier poteau dont il a le secret, manque d'un cheveu — c'est le cas de le dire — d'ouvrir le score.

Mais le meilleur tricolore, et de loin, s'appelle Jean-Marc Guillou. Pour sa première sélection, et sans jamais tirer la couverture à lui, il démontre toute l'étendue de son registre technique, sa très grande lucidité dans la vision du jeu, et sa mise absolue au service de l'équipe. A lui seul, il devient une tactique pour l'équipe de France, revenue à des sources plus sûres de jeu mieux groupé. Et de surcroît, il se plie à un travail harassant sur le plan défensif « comme il le fait toujours à Angers. »

C'est du côté gauche — Bracci et Bereta sont également très bons — que l'équipe de France trouve son salut. A la 59e minute, un coup franc lui est accordé aux vingt mètres pour une faute de Iordanescu sur Vanucci monté à l'attaque. Michel fait une courte passe à Bereta dont le coup de canon, du pied gauche bien sûr, propulse la balle à toute vitesse dans la lucarne gauche de Raducanu. Seize mois plus tôt, contre l'U.R.S.S., et à peu près du même endroit, le capitaine de l'équipe de France avait réussi un exploit identique.

Les Tricolores et Kovacs accueillent cette troisième victoire en quatre matches officiels — 3-1 contre la Grèce, 1-2 contre l'Allemagne, 3-0 contre le Danemark, 1-0 contre la Roumanie — avec lucidité. Ils ne commettent ni le crime de présomption, ni celui de découragement. Guillou, calmement, déclare : « je crois que ça n'a pas été un mauvais match, et que nous avons mérité de le gagner. »

Merci à l'Année du Football 1974 pour l'article et à Fanch Gaume pour le scan.