Guillou buteur inattendu

Gérard ERNAULT

NANTES. On attend tout de lui après l'avoir confiné dans son splendide isolement. C'était le temps du SCO, club humble qu'on ne saurait jamais regarder que d'un air de supériorité. Guillou vivait sa vie dans ce désert où c'est à chacun de construire sa trajectoire. Elle épousait pour Guillou de charmantes sinusoïdes, se donnait des airs inspirés. Le joueur travaillait pour le roi de Prusse avec un beau mépris pour les médailles...

Nous pensions, hier soir, à cette situation faite au meilleur joueur français sans doute du temps où il était un cas. Et il fallait envisager à cet instant que personne d'autre que lui n'aurait su s'ouvrir la route du but islandais comme il le fit. Il y mit pour cela sa maîtrise du dribble, son grand sang-froid et un beau culot que l'on ne rencontre plus au détour de nos stades, sauf à germer dans l'esprit des gosses.

Dans ce match d'ombre et de lumière, devant des Islandais mal embouchés, l'équipe de France n'accomplissait pas toujours en première période le parcours annoncé. Les promesses n'étaient pas tenues d'une balade contre le Real. Le débat s'ordonnait difficilement pour les Français jusqu'à ce que Guillou, jetant à l'occasion un œil, y projette sa clarté. L'inconvénient pour les coqs demeurait dans la réussite épisodique de leur vedette.

Une idée de Kovacs avait été retenue pour ce match contre l'Islande : celle de confier au nouveau Niçois un numéro 10 impliquant de sa part un soutien rapproché à Molitor. L'idée était bonne pour autant que la France serait appelée à dominer et à ne pas se perdre dans les filets des pêcheurs d'Islande. Le sélectionneur supputait sur la facilité de Guillou à déchirer n'importe quel rideau adverse pour peu qu'il décide d'aller au bout de son effort. Le pronostic de Kovacs se vérifia comme dans un roman. Il vaut mieux parier évidemment sur Guillou que sur un autre. Les révisions sont moins déchirantes dans ce cas.

Le thème proposé par Kovacs fut alors creusé à fond par le meneur aux jambes arquées, s'offrant une séduisante percée dans les parages de la 40e minute, propre à faire lever tout Saupin. Et le stade se dressa, rouspéta que l'arbitre n'ait pas récompensé l'audacieux par un penalty. Car Guillou ne tombe plus dans le travers rétro de ne pas y aller comme les copains, de sa galipette. Seulement il y met tant de réticence qu'on ne sait plus s'il manque de souplesse ou s'il a vraiment mauvais genre.

Ce Guillou en demi-teinte retrouvait, pour les quarante-cinq dernières minutes, Berdoll, le vieux complice du S.C.O. Les deux hommes chérissaient ces retrouvailles à deux encablures du port d'attache. Elles n'offraient d'abord rien de concret à l'équipe de France, cherchant ses marques dans ce combat douteux jusqu'à ce que Guillou torture sa légende pour nous planter un but venu de loin. Le génie de Guillou déposé par périodes n'avait pas toujours suffi aux Français à se donner du bon temps s'il leur avait garanti une victoire copieuse.

L'article fait référence au match contre l'Islande de 1975, match qualificatif pour l'Euro 1976, où Jean-Marc avait planté deux buts. Merci à L'Equipe pour l'article et à cris72 pour le scan.