Marc BERDOLL

Ci-dessous un superbe article daté du 25 septembre 1984 alors qu'il évoluait à Orléans. Merci à Fanch Gaume pour le scan.

Berdoll, la forte tête

par Gérard ETCHEVERRY

Comment va Marc Berdoll ? C'est la première question que j'ai posée à celui qui fut jadis l'enfant terrible du football français. Normal, puisqu'il est actuellement au repos pour soigner une petite déchirure à la cuisse droite, qu'il s'est faite bêtement, un soir à l'entraînement, il y a de cela deux semaines.

Vacances forcées donc à Darvoy, à 15 kilomètres d'Orléans. Maison au milieu du village. L'église pointe son nez au bout de la rue. C'est la campagne ici, c'est tout plat. Bon Dieu, que c'est plat la Beauce !...

Et l'on se dit tout de suite que le personnage détonne avec ce paysage uniforme. Sa carrière surtout, faite de hauts et de creux, de pleins et de déliés, et qu'on aurait bien du mal à tracer d'une seule ligne droite sur une feuille blanche. Il y a là un contraste évident.

Marc à trente et un ans. C'est l'heure où le bilan d'une carrière approche, où l'on penche la tête davantage en direction du passé. Où l'on fait le point. Pour un oui. Pour un non.

« C'est bête cette blessure tout de même. Je ne peux même pas accompagner les copains à Mulhouse, c'est d'autant plus bête que je n'ai jamais été blessé dans un match. Les coups durs m'arrivent toujours en dehors des rencontres. Tenez, c'est comme il y a deux ans quand je m'étais fracturé un doigt de pied un après-midi à l'hôtel à Besançon. »

Il n'y a qu'à lui qu'il arrive des trucs comme ça. Et combien d'autres. C'est comme ce comeback qu'il espère bien faire en Première Division si Orléans va jusqu'au bout de son pari. Ça serait pas ordinaire ça ? « On n'en est pas encore là, mais c'est sûr qu'on a un bon coup à jouer cette saison, semble-t-il, après un très bon début de saison, ce qui est souvent notre cas, mais, d'ordinaire, on rentre dans le rang après trois ou quatre matches ; cette fois, on est toujours dans la course. »

Marc Berdoll en analyste. Version inconnue du personnage : « Pourquoi on marche si bien ? Parce qu'on n'a pas chamboulé l'équipe. La défense et le milieu n'ont pas bougé. Parce qu'on est soudé comme jamais j'ai vu en quatorze ans de carrière, parce qu'avec « Patou » c'est extra, on discute tous ensemble avant un match, beaucoup plus qu'avant. »

Patou, c'est Jacky Lemée pour ceux qui ne l'avait pas deviné. « Le vieux, le gros, Mimile » qu'il l'appelle aussi. Il l'aime bien Marc, le père Lemée, car, sans lui, il serait peut-être au chômage actuellement : « C'est lui qui s'est battu pour que je reste à Orléans, les dirigeants, ils n'étaient pas chauds. Sans doute le fait que je marque onze buts l'an dernier n'était pas suffisant ! Je ne vous dis pas, je n'ai pas apprécié. D'accord, j'ai resigné pour un an. Mais avec certaines personnes, ce n'est plus comme avant. Je dis bonjour, parce qu'il faut dire bonjour, uniquement. »

Il ne changera pas Marc Berdoll. Toujours le caractère bien trempé, comme de l'acier. Toujours le sens du but aussi aiguisé : « C'est vrai ça, je m'améliore au fil des années : la première année à Orléans, j'ai marqué huit buts, l'an passé, onze ; cette saison, je n'en suis encore qu'à deux, mais en quatre matches seulement. »

Pourtant, il est encore loin de son record. Personne n'a oublié, en effet, qu'il fut le meilleur buteur français de Première Division, pendant la saison 1973-1974. « Le problème, c'est que Carlos Bianchi m'a devancé sur le fil avec trente buts, à cause de ce fameux match Monaco-Reims, 8-4, qui a tant fait parler de lui la dernière journée. »

N'allez pas croire, pour autant, qu'il en veut au Rémois : « Carlos, c'était un peu mon idole à l'époque, juste derrière Gerd Muller. J'ai bien dû jouer une dizaine de fois contre lui, et, il m'a toujours impressionné. Rarement vu un gars avoir le sens du but comme lui, même encore maintenant, puisque je l'ai vu, l'autre jour, contre nous à Orléans. C'est sûr qu'il bouge moins qu'avant, mais, pour peu, qu'il reçoive un bon ballon, il sait encore s'en servir. Et puis, quel que soit l'âge, il possédera toujours deux qualités supérieures aux miennes : il marque des buts de la tête, ce qui a toujours été mon point faible, et il tire les penalties... »

Sept centimètres, c'est aussi l'avantage que possède Bianchi sur Berdoll. Ça compte, lorsqu'on joue avant-centre, ce qui n'a pas empêché l'ex-Angevin de trouver rapidement le chemin des filets avec son mètre soixante et onze, lui, qui était plutôt destiné au poste de gardien de but.

Commençait alors une carrière prometteuse. Fulgurante même les premières années. Le voici international à vingt ans. Pour un coup d'éclat, c'est un coup de maître puisque deux minutes après être entré en jeu à la place de Lacombe, il marque déjà son premier but en reprenant un centre de Marc Molitor, son copain d'Angers. Le pied !

Quinze autres sélections vont suivre dont une participation au Mundial 1978, en Argentine, où il jouera deux matches : contre l'Italie, en remplacement de Lacombe, là encore, et contre la Hongrie, vous savez le fameux match avec l'affaire des maillots !

Dernier match contre les USA, un an plus tard. Et comme par hasard, toujours en remplacement de Lacombe.

Le livre se referme de lui-même. Trop tôt sans doute. Il est encore si jeune à vingt-six ans ! Le feu passe déjà à l'orange ! Et cette galère de Sarrebruck qui l'attend, et Amiens, la Troisième Division, un peu plus tard...

« C'est vrai que Sarrebruck a été un four, dit Berdoll. Drôle d'histoire, j'étais en vacances chez mes beaux-parents, à Sarreguemines, quand un dirigeant allemand est venu me chercher.

Je n'ai joué que deux-trois matches, après je n'ai plus jamais plus rejoué et je n'ai jamais su pourquoi. Pourtant, le public me réclamait sur l'air des lampions... Physiquement qu'est-ce que c'était dur, pourtant, c'est là-bas que j'ai compris que le physique avait son importance car, jusque-là, j'avais des entraîneurs qui donnaient la priorité au technique comme Lucien Leduc ou Pancho Gonzales... »

Les ennuis commencent. Ils avaient déjà démarré à Marseille la dernière année où Berdoll recevait des lettres de menace de la part de supporters mécontents. Retour à Angers. Le chômage bientôt. Amiens... « Je leur dois beaucoup aux dirigeants picards, ils ont été si compréhensifs. »

Un jour qu'il joue en Troisième Division avec Amiens à Melun, un radioreporter vient le voir au vestiaire et lui demande : « A quand votre retour en équipe de France, Marc Berdoll ? » Et lui de répondre : « Et vous à quand vos débuts de journaliste ? »

Et vlan ! Il est comme ça le Marco. « C'est vrai je dis des choses qui surprennent parfois. Je dis toujours ce que je pense, c'est peut-être mon défaut, mais je ne changerai pas. C'est comme cette histoire de cheveux, je fais exprès de les garder encore longs, rien que pour embêter ceux que ça dérange. » Et re-vlan !

Le tabac non plus, il ne changera pas. Un paquet par jour, parfois moins. « Ça ne me gêne pas pour le souffle. »

« Tu te drogues », lui lance pourtant Marianne, son épouse, qui donne le biberon à Anne, trois mois, la petite dernière de la famille.

Il encaisse. Il a toujours encaissé d'ailleurs : « On dit souvent que je suis passé à côté d'une grande carrière ; moi, je dis que j'ai pas si mal réussi que ça, mon seul regret c'est de n'avoir rien gagné, pas une Coupe, pas un Championnat, rien qu'un titre de Deuxième Division avec Angers, c'est ça mon seul regret... Mais surtout pas d'avoir joué avant-centre malgré le côté ingrat : si Platini a fait un super-Championnat d'Europe, c'est quand même bien en partie grâce à Lacombe, mais ça, personne ne l'a remarqué, personne ne remarque jamais ce que nous faisons, nous, les avants-centres. »

Et re-re-vlan! Berdoll a asséné son troisième et dernier uppercut ! Le K.-O. est proche.

MARC BERDOLL

Né le 16 avril 1953 à Trélazé.
Premier match de Division I : 12 août 1970, Sedan-Angers : 6-2 (1re journée).
Premier but en Division I : 29 novembre 1970, Saint-Etienne-Angers : 3-1 (16e journée, but : 51e).
Division I :
1970-1971 : 8 matches, 2 buts, Angers.
1971-1972 : 12 matches, 2 buts, Angers.
1972-1973 : 28 matches, 4 buts, Angers.
1973-1974 : 38 matches, 29 buts, Angers, 2e buteur D. I.
1974-1975 : 36 matches, 17 buts, Angers.
1977-1978 : 37 matches, 20 buts, Marseille.
1978-1979 : 29 matches, 12 buts, Marseille.
1979-1980 : 25 matches, 8 buts, Marseille.
1980-1981 : 36 matches, 7 buts, Angers.
Division II :
1975-1976 : 25 buts, Angers, meilleur buteur D. II.
1981-1982 : 7 buts, Angers.
1982-1983 : 8 buts, Orléans.
1983-1984 : 11 buts, Orléans.
1984-1985 : 2 buts, Orléans.
Division III :
1981-1982 :7 buts, Amiens.
Bundesliga :
1976-1977 : Sarrebruck.
Equipe de France :
16 sélections A, 5 buts.