Lagrange, l'apprenti buteur

À vingt-quatre ans et avec dix-huit buts au compteur, l'attaquant du SCO d'Angers s'est découvert une vocation.


Christophe Lagrange engrange. Déjà dix-huit dans le panier. Le SCO peut admirer la récolte. (Photo P. ALLÉE)

CINQUANTE-NEUVIÈME minute du match Angers-Le Havre, samedi dernier. L'arrière gauche angevin Rollain déborde et centre en direction de Pascal, dont la reprise n'est pas décisive. Casanova, le gardien havrais, repousse, mais, à l'affût, Christophe Lagrange arrive à l'heure tapante pour conclure l'action dans les filets normands.

L'attaquant angevin manifeste sa joie : bras levés et course sur une vingtaine de mètres. Des gestes qu'il commence à bien connaître et dont il apprécie la fréquence.

Et pour cause : ce but de la victoire inscrit contre Le Havre est son dix-huitième de la saison. Rien que ça pour ce joueur à l'allure d'adolescent, dont l'ambition en début de Championnat était autre que de se retrouver parmi les tout meilleurs marqueurs des deux groupes confondus. Explications : « Je ne suis pas, et je ne serai sûrement jamais, un avant-centre type. Ma position préférée est d'occuper le flanc droit de l'attaque. L'an passé, mon rôle principal était de faire marquer Patrice Sauvaget. Cette saison, c'est pour Marc Pascal que je devais initialement m'employer. Mais comme c'est moi qui ait commencè à planter, ce sont les autres qui ont joué avec l'intention de m'aider à continuer à le faire. »

Départ canon pour le SCO et pour Lagrange, qui se découvre une vocation et des talents insoupçonnés de buteur. Dès la deuxième journée il déclenche le compteur : cinq buts en cinq matches d'affilée. L'attaquant angevin prend confiance : « Cette réussite m'a tout de suite lancé. Je me suis surpris à oser, à tenter des trucs nouveaux que je n'aurais jamais exécutés encore la saison dernière. J'anticipe mieux. Mon jeu s'est également transformé, de sorte que je me retrouve plus facilement dans l'axe. Mais je répète que marquer n'est pas chez moi une obssession. Moi, buteur ! Je ne l'ai jamais été. Auparavant, je ne dépassais pas les cinq ou six buts par an. »

Le déclic du contrat

Originaire de Sedan, Lagrange sort de deux années passées au Racing Club de Lens, de 1986 à 1988, où il fait en tout une trentaine d'apparitions (souvent comme remplaçant) en Première Division et, au passage, se distingue en marquant deux fois contre Montpellier et Cannes. Mais c'est seulement avant d'être prêté à Angers, en début de saison dernière, qu'il signe son premier contrat professionnels avec le club nordiste, lequel accepte de le laisser finalement rester en Anjou en juin dernier. « Jusqu'à maintenant, je ne savais pas très bien où j'allais, admet-il. Désormais, ma situation s'est stabilisée avec ce contrat au SCO encore pour les deux ans à venir. C'est important, parce que cela se répercute fatalement sur le terrain. Je crois que ma réussite actuelle vient surtout de là. »

Pourtant, comme tous les buteurs, il connaît un passage à vide. Entre novembre et février. Six matches sans marquer, c'est long. Un laps de temps qui coïncide exactement avec la chute du SCO au classement. Il précise : « Au moment où l'équipe a connu une baisse de régime, je suis passé, moi aussi, au travers de certaines rencontres. On découvre toute la difficulté d'être celui que l'on ne juge plus que sur le fait qu'il marque ou non. Ici, les gens ne me parlaient plus que de cela. Ils sont devenus gourmands. Et je suis un peu tombé dans le panneau en me mettant la pression tout seul. Après avoir raté un penalty à Laval, je n'ai plus voulu en tirer lors des matches suivants. Histoire de me remettre en question. »

Est-ce un hasard ? Toujours est-il que c'est à Lens qu'il retrouve le plaisir de marquer en réalisant le doublé. A ce jour, il en compte d'ailleurs cinq. Depuis, Lagrange ne s'arrête plus. Il est même l'auteur des quatre derniers buts de l'équipe angevine. De quoi regarder un peu plus loin et être dans l'œil de certains recruteurs : « Pour l'instant, je n'ai aucun contact avec d'autres clubs. Et puis, je ne suis pas pressé de partir. Je me plais à Angers. Bon, si le club décide de me transférer, j'accepterai sa décision. Lorsque l'on a été à Lens, on peut aller n'importe où... »

Alain COHEN

Merci à L'Equipe pour l'article (saison 1989-90) et à cris72 pour le scan.