L'article ci-dessous a été écrit à l'occasion du jubilé Marc Berdoll en 1995 pour les besoins d'une station télé locale (TV 10). Il s'inspire d'un autre article du même auteur publiée par le Courrier de l'Ouest sous la forme d'un rétroscopie du SCO d'Angers (à épisodes) pour célébrer le retour du SCO parmi l'élite en 1993-94.

L'auteur Benoît Blanchet est à la recherche d'un exemplaire du Courrier de l'Ouest avec l'article original. D'après lui, l'article serait paru le mercredi d'avant le premier match en Division 1 (1993-94) à Jean Bouin. Le Courrier de l'Ouest faisait une page entière intitulée « Je suis Sco » qui paraissait tous les mercredis avant les matchs à domicile. Voilà, l'appel est donc lancé. Place maintenant à l'article :

Faire rêver les gosses à nouveau...

Au tout début des années soixante-dix, les trois quarts des gamins qui venaient à Jean Bouin voir le Sco étaient des habitués – non pas de la Butte qui n’existait pas encore – mais des « Populaires » qui se situaient au même endroit. Comme nous n’étions pas ou pratiquement pas surélevés par rapport au terrain, la visibilité en souffrait considérablement d’autant que la piste d’athlétisme nous éloignait encore un peu plus de nos joueurs favoris. Simplement, on venait là parce qu’on savait pertinemment qu’il était plus facile d’entrer gratuitement par les « Populaires » grâce à la complicité tacite et au coup d’œil compréhensif d’un contrôleur de chez Hardouin qui - sans être dupe - nous laissait grossièrement mentir sur notre âge véritable...

Après être entré dans l’enceinte du stade, la première préoccupation était bien souvent de tenter de s’approprier le tableau d’affichage. Il était manuel, énorme et on y accédait par une petite échelle. Une fois installé en haut du perchoir, c’était donc avec la plus grande fierté et le sentiment qu’on était devenu indispensable au bon déroulement de la partie que l’on faisait évoluer le score sous le regard forcément admiratif de milliers de spectateurs. Pour nous il n’y avait pas de doute. La validation d’un but ne pouvait pas être effective sans notre accord. Quand le Sco en encaissait un, on avait donc tendance à traîner la patte au moment d’officialiser la nouvelle. Par contre quand c’était le Sco qui marquait, la précipitation était de mise et on tâchait de faire un beau sourire car on savait que « Maine, Anjou, Touraine », les actualités régionales de l’époque allaient immortaliser la scène.

Malheureusement, on avait beau se pointer au stade trois minutes après l’ouverture des portes, neuf fois sur dix, la place – le trône plutôt - était déjà occupée au moment de notre arrivée. Alors en guise de consolation on cherchait à se mettre le plus près possible de l’endroit où s’entraînaient les joueurs du Sco pour le simple plaisir de « les voir de près » fût-ce derrière ce maudit grillage qui constituait entre eux et nous une barrière mythique infranchissable.

Avec des yeux émerveillés, on les voyait réaliser des prouesses techniques invraisemblables (les entraînements d’avant match étaient bien moins physiques qu’aujourd’hui !) Avec nos pieds maladroits, on essayait de les reproduire en arrivant à la maison. Nos échecs répétés nous contrariaient certes mais ils n’atténuaient pas vraiment la certitude que nous avions de devenir un jour professionnel au Sco d’Angers.

On avait pour les joueurs angevins une admiration mêlée de respect en égard à la qualité du football qu’ils pratiquaient. Pourtant à l‘heure des bilans, le palmarès angevin est resté quasi vierge. Pas de titre, une raclée en finale de la coupe de France 1957 et une éphémère participation à la coupe de l’UEFA en 1972. Bref pas de quoi fouetter un chat ni marquer les esprits...

Rien... sauf peut être l’essentiel à savoir un football créatif, offensif, reposant sur l’intelligence et la virtuosité des joueurs et contrastant singulièrement avec la rigueur du foot français de l’époque - celle de Georges Boulogne.

Et puis surtout, on avait Guillou dont le talent éclaboussait Jean Bouin à chaque rencontre mais dont Boulogne ne voulait pas entendre parler pour l’équipe de France. François Thébaud – une référence dans le journalisme sportif - avait coutume de dire que le bon joueur c’est celui qui fait la passe qu’il faut au moment et au partenaire qu’il faut mais que le joueur génial c’est celui qui fait la passe que personne n’attend ...sauf celui qui va recevoir la balle ! On était convaincu que Guillou, un dribbleur d’origine pourtant, appartenait à la seconde catégorie. Jean-Marc Guillou joueur marginal au service d’une équipe marginale auprès de supporters qui - par souci d’identification sans doute - se rêvaient parfois marginaux eux aussi...

Pas de palmarès donc mais des souvenirs à la pelle. Comment oublier cette interview de Lucien Leduc il y a quelques années. L’entraîneur du Sco y comparait l’équipe de Monaco avec laquelle il fut champion de France en 78 et celle du Sco avec laquelle il ne gagna rien, rien d’autre que du plaisir huit ans plus tôt. Dans des termes exacts que le temps nous a fait oublier mais avec un esprit que nous ne dénaturons pas, le Père Leduc soutenait, une pointe de regret à la bouche, qu’il n’y avait pas photo en terme de niveau entre le collectif angevin talentueux à souhait et celui des Monégasques pourtant titrés. C’était comme cela, les Angevins, nonchalance oblige, avaient sans doute les défauts de leurs qualités. Tant pis, à défaut de palmarès, il reste des images : celle du Sco qui prend la tête du Championnat en 1972 à Nice grâce à une victoire 4-2 dont trois buts d’Edwige. « Ce jour là nous a dit un jour Ladislas Nagy l’entraîneur de l’époque, on s’est retrouvé mené 2-0 rapidement et j’ai vraiment cru que nous allions prendre une valise. Et puis on s’est mis à jouer sur un nuage, de manière incroyable ». Ce jour là, messieurs, nous fûmes quelques-uns, le transistor collé à l’oreille, à avoir bondi de joie à l’annonce du troisième but du Sco...

Et d’autres souvenirs encore. Les louanges décernées chaque mois par le pourtant très exigeant « Miroir du Football », le marquage de Perreau sur Magnusson en demi-finale de la coupe de France 69, les quatre buts de Berdoll contre le grand Saint Etienne, les 128 buts en D2 en 69, le titre symbolique de champion d’automne en 73. Et au delà de tout çà, une qualité de jeu inégalable et qui nous rendait fiers. Non pas vraiment d’être Angevin (l’esprit de clocher n’anime pas les gamins, ça vient malheureusement beaucoup plus tard...) mais plutôt d’être un peu différents de tous les autres. Tiens encore un souvenir ponctuel : c’est Guillou qui dribble tout le monde et qui offre à Edwige le quatrième but d’une victoire 6-1 sur le Troyes de Pierre Flamion. Ah là, là. Et dire qu’il n’était même mas en équipe de France !

Et puis vint l’année de tous les dangers : l’année 1975. La sortie de l’enfance, Guillou qui est transféré à Nice et le Sco qui descend en D2. Trois catastrophes la même année dont les deux première au moins étaient irréparables. Heureusement restait la troisième. L’autre soir lors du match contre Laval, il nous a semblé qu’avec des moyens et un esprit sans doute différents, les joueurs d’Angers Sco bénéficiaient aux yeux des gamins d’un crédit à peu près identique à celui accordé autrefois à ceux du Sco d’Angers. Puisse donc la saison à venir faire rêver les gosses à nouveau.

Benoît Blanchet